
Les chanteurs prennent souvent la lumière des projecteurs. Mais derrière eux, il y a tout autant d’artistes qui œuvrent pour composer les meilleures sonorités, les instrus qui feront la différence. Depuis une vingtaine d’années déjà, Xavier, aka Vax 1, est compositeur, beatmaker, ingé son. Dans son labo musical, il explore un univers varié, du rap à la nu soul en passant par la funk. C’est peut-être le seul vaccin qui n’a pas besoin de piqûre de rappel. Mais qui fait des bons sons à la pelle.
🎹 L’écriture et la curiosité pour faire ses gammes
Comme pas mal de monde, Xavier a fait ses premiers pas dans la musique avec le solfège, un an de sax’, deux ans de batterie… Mais le vrai déclic, il l’a eu plus tard. À la fin du lycée ou au début de la fac, il commence à écrire et à poser quelques couplets.
« J’avais trop envie d’écrire, et c’est parti de ça. J’écoutais tellement de rap que je sais pas, j’étais matrixé. Et j’ai fait des rencontres avec des potes qui avaient un peu la même vibe, le même délire, et ça a commencé comme ça. On a gratté ensemble, on a commencé à poser… et ça a donné la microfaune. »
C’était son tout premier groupe de rap, en 2006. Avec Double A (devenu Roméo Xr), Panda (devenu Panda Dub), et d’autres, il commence à explorer. En même temps, il a toujours été curieux. Déjà à l’époque, il kiffait essayer de fouiner et chercher à comprendre ce qu’il écoutait.
« J’avais déjà grave ce délire de disséquer un peu ce que j’écoutais. Je me disais putain c’est quoi le sample, tu vois, j’allais digger, chercher, me rendre compte qu’en fait tout cet album de tel artiste que je kiffe est fait par le même producteur de tel autre que j’adore… »
Quand il découvre Reason et Audacity, il se met à bidouiller, à tester des choses et à faire des instrus. « Qui sonnaient dégueulasse, mais j’étais comme un ouf. » Au passage, une formation multimédia lui permet de squatter Pro Tools et d’apprendre certaines bases. Ce qu’est un equalizer, un compresseur… bref, d’avoir une première approche avec le côté technique.
Alors il avance, avec ses potes, et finit par choper Ableton Live. Et là, il commence à prendre le truc plus au sérieux, cherche à faire des prods de meilleure qualité… il embraye et passe la seconde, écrit un peu moins et se concentre de plus en plus sur la production. Bien sûr, c’est raccourci hein.
« C’est compliqué de résumer 10 piges en deux phrases, mais c’est un croisement. Il y a eu les deux en parallèle, l’écriture et la production. C’est tout un processus que même moi je n’arrive pas forcément à expliquer facilement, tu vois. »
Depuis, il ne s’est finalement pas arrêté. Des dizaines de projets sont passés par là, avec l’Or du Commun, Double A, Anton Serra, Nancy Khadra, et plus récemment sadtoi. L’aventure sonore continue encore. Même si avoir la même inspi tous les jours, c’est loin d’être une évidence.
💫 Tenir la cadence et rester créatif par intermittence
Avant d’être intermittent et d’être dans le son à 100%, Xavier a eu sa période à enchaîner les petits boulots. Un passage qu’il ne regrette pas du tout, au contraire, puisque ça lui a permis de mettre un pied dans un quotidien rythmé par des horaires “classiques”. Un bon moyen de savoir ce que tu veux… et ce que tu ne veux pas !
« C’est quand même important pour moi d’avoir été dans le schéma plus traditionnel pour savoir ce que c’est aussi. Ça m’a permis de me rendre compte de ce qu’était la diversité du monde du travail. Et c’est sûr que quand tu es intermittent, c’est une autre vision. T’es pas du tout dans le même moule. »
Au début de son intermittence, Xavier faisait beaucoup de lives et de concerts, ce qui lui apportait une certaine stabilité. Mais après ça, il fallait qu’il puisse s’assurer d’avoir un certain nombre d’heures en solo : pas évident quand tu ne fais que des beats et des instrus !
Il y a les périodes où il y a des projets par milliers, et d’autres où c’est le calme plat, ou presque. Alors forcément, il y a des phases de remise en question. D’autant plus que tu ne peux pas être inspiré, composer et créer avec la même énergie tous les jours de l’année !
« C’est mon métier de faire de la musique, d’être inspiré, de toujours avoir les méninges au taquet pour sortir des trucs qui fument. Et ouais, ouais, je traverse toujours de longs passages à vide. Souvent pendant l’été. Là, je suis encore un peu dedans… Mais c’est un cycle. C’est toujours dans ce cycle où ça peut me traverser de me dire mais putain, c’est peut-être fini là ! Faut que je trouve un taf carré, avec des horaires de bureau, j’en sais rien…»
Sauf que non, bien sûr que non, ce n’est pas la solution. La solution, il l’a trouvé en acceptant ces cycles et en diversifiant son activité. En faisant de l’enregistrement, du mixage, et en s’appuyant sur toutes les activités qu’il maîtrise. Bref… en montant son studio.
Mais le rythme reste variable. Il faut être prêt à faire face à l’instabilité et ne pas tout remettre en question à chaque fois. « Il faut quand même avoir la tête sur les épaules. Il faut garder son cap, et ne pas trop se laisser engrainer par les moments où tu n’as pas trop de taf, ouais. C’est pas un long fleuve tranquille. »
Une situation qui a ses avantages et ses inconvénients. Qui offre une certaine liberté, mais aussi une bonne dose de stress. En plus de 6 ans, il a pu voir les différentes facettes du métier et trouver l’équilibre. Même si quand tu passes certaines étapes, comme devenir papa, forcément, ça interroge !
« Ouais, déjà que je dois gérer l’adolescent que je suis (rires). C’est sûr que je me suis dit ‘putain mais c’est quand même un peu précaire comme aspect professionnel. Est-ce que je vais pouvoir subvenir à ses besoins, est-ce que ça suffit…’ ça, c’est le côté anxiogène. Mais l’autre avantage, c’est que tu as du temps pour t’en occuper, pour passer du temps avec ton enfant. Tu peux adapter ton emploi du temps. On découvre plein de choses quand on est parent, et ça, c’est quand même le bon côté du truc. »
🧪 Un labo qui n’a pas fini de créer et de donner du son
Si tout a commencé par le hip hop et le rap, l’univers musical de Vax 1 s’est petit à petit élargi. Vers une fusion plus funk, électro, nu soul… Son dernier projet, Pigments, en collab avec sadtoi, représente assez bien son ambiance du moment.
Car oui, s’il propose des sessions d’enregistrement et du mixage, il n’a pas perdu l’envie de créer. Même s’il faut parfois s’accrocher ! Parce qu’avec un tas de projets en parallèle, des collaborations avec des gens qui ne vivent pas dans la même ville, il peut parfois s’écouler pas mal de temps entre l’enregistrement des maquettes et la sortie du truc.
« Il faut garder le cap. ll faut être déterminé à se dire : non, non, non on n’oublie pas qu’on veut sortir ce truc, que ça ne doit pas rester dans notre disque dur. Moi j’ai bien ce truc-là, de vouloir aller au bout d’un truc qui me tient à cœur. Que ce soit avec Nancy ou pour Pigments, on a tout fait pour que ça ne reste pas juste dans nos oreilles. »
Vax 1 garde la même motivation, même s’il connaît des périodes où son cerveau n’a pas besoin de tourner à plein régime. « C’est bizarre, c’est comme si parfois je saturais. Mon cerveau n’a pas besoin de ça, en fait, il n’a pas besoin d’être alimenté par ça. » Mais ce ne sont que des phases. Car quelques temps après, il se retrouve à digger, à écouter de tout, à se refaire des classiques…
La passion est encore là, et il continue à prendre son pied, dans toutes les étapes de ses projets. « En fait, j’ai vécu plein de scénarios différents. C’est vrai que le moment de création est hyper kiffant. Le moment où tu commences, tu fais une base, après tu l’envoies encore plus loin… ça te fait une émulsion hyper puissante et tout. Le moment où ton son va sortir, tu es refait parce que ça y est, tu le partages au monde entier. Donc ça aussi, c’est un moment kiffant. »
Son taf reste assez solitaire, mais c’est aussi pour ça qu’il aime bien s’entourer. Comme en ce moment avec le bassiste Hudge. C’est ce qui lui permet de profiter des ondes d’autres artistes, et de toujours trouver de nouvelles recettes.
« Faire des collabs, se mélanger avec l’univers de quelqu’un d’autre, ça aide à provoquer l’inspi. Ça me permet de faire des rencontres musicales, d’allier plusieurs univers. Ça stimule. Ça fait presque 14 piges que je fais des instrus, et je n’ai pas envie de marcher dans mes pas. De toujours faire la même chose. J’ai besoin de me renouveler. »
D’ailleurs, s’il est bien souvent dans l’ombre, la question de relancer la machine à écrire et de prendre le micro reste dans un coin de sa tête…
« Ouais, c’est un truc qui me traverse pas mal. Je note parfois des phases, et je me dis “vas-y, ce serait quand même cool d’avoir besoin de personne, que je sois autosuffisant dans la musique et les lyrics”. C’est quand même un truc qui m’excite un peu de me dire “je sors un projet où je sors mes tripes, c’est-à-dire que de A à Z ce sera ce qui sort de mon cerveau. Ouais, c’est un truc qui m’habite. »
En attendant, Vax 1 n’attend pas. Il continue de charbonner, de chercher, d’explorer, de tester des recettes. Un prochain EP et des sons avec Anton Serra sont déjà sur le feu. Sans compter de nouvelles collaborations… Pas besoin d’être malade pour avoir sa dose. Le laboratoire musical n’a pas fini d’œuvrer à Lyon et d’y propager des bons sons !