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Yaya Uno – Peindre le monde jusqu’à l’amor

Yaya Uno, peintre à Lyon

Nos rêves d’enfants finissent parfois par nous rattraper. On compte les jours qu’il nous reste sur cette terre, et on réalise qu’il faut vite qu’on se bouge avant qu’il ne soit trop tard. Et qu’il faut créer, plutôt que se taire. C’est ce qu’a décidé de faire Yaya, aka Yaya Uno. Passé par le dessin et le graffiti, il est aujourd’hui peintre avant tout. Il joue avec les outils et les supports, les détails et les couleurs, en s’exprimant haut et fort. Résultat ? Des œuvres riches de son vécu, de son œil sur le monde et de ses émotions. Des œuvres qui en disent long…

De la rue à la peinture 🎨

« Je fais de la peinture sur beaucoup de choses, beaucoup de supports. Tant que ça peut se peindre… Et tout peut se peindre ! » 

Impossible de dire quand il a commencé la peinture. Mais aujourd’hui, il baigne dedans. Il suffit de voir son petit appart’ au cœur de la Guill’ pour en être convaincu. Cette passion pour l’art, il la tient peut-être en partie de ses parents, tous deux profs de dessin. Mais ne croyez pas qu’ils lui ont transmis un talent (spoiler : ça n’existe pas) ou qu’ils l’ont poussé à créer. Loin de là ! Ça l’a sans doute aidé d’avoir accès à un bagage culturel et à du matos’, mais ça s’arrête là. 

Assez vite, il a quitté sa campagne lyonnaise pour faire son bonhomme de chemin. Direction Barcelone, Toulouse, Paris… où il a fini par se perdre et connaître la rue – « Pas pendant très longtemps, tant mieux. Même si c’est toujours trop long ». Pendant pas mal d’années, il fait ses expériences et rencontre plein de belles personnes, dont Mokless et Koma de la Scred Connexion. Des échanges qui le marquent, le sauvent et le font avancer.

Les petits boulots, il connaît. Conseiller de vente, runner en restauration… et surtout, animateur. « Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est le sourire des gosses. Tu te sens utile. Parce que c’est l’avenir ! Il y en a qui ont des vies de barge. Et le fait de leur apporter une parenthèse, qu’ils rentrent chez eux tout contents… c’est pour ça que t’es là ! »

Ce qui revient toujours dans son parcours ? L’humain. C’est autour de ça que Yaya a l’air de s’être construit, grâce à ça qu’il a avancé et qu’il en est là aujourd’hui. C’est aussi en partie ça, sans doute, qui l’a mené à revenir à son premier amour : la peinture.

« Tu as des rêves, quand tu es petit. Tu t’adaptes un peu à notre monde, et puis il y a un moment où tu te dis ‘merde, mais je fais quoi de ma vie ?’ Maintenant, j’ai envie de vivre, pas de survivre. Quand je ne fais pas métro-boulot-dodo, je me sens libre. Et c’est ce qui me permet de faire des trucs authentiques. »

Des œuvres hautes en couleurs… et en messages 🗯

« Il y a de l’égo, parce que tu es artiste et que tu fais ton truc. Mais il ne faut pas qu’il prenne plus de place que 3 lettres. »

L’un des thèmes qui revient souvent dans ses toiles, c’est la mort. Et la vie. C’est ce qui lui a permis d’avoir le déclic : « La mort, c’est notre lot commun. Ça va tous nous arriver. La naissance, la mort et la vie, c’est trois trucs qu’on a tous en commun. Est-ce que j’ai envie d’arriver à la fin et d’avoir des regrets ? »

Évidemment, non. Alors depuis deux ans, Yaya a décidé de se consacrer à 100 % à l’art pour arriver à l’indépendance et à la liberté. Parce que quand tu passes 10h à tout donner au taf, et que tu peins 2h le soir avec le cerveau en vrac, ça ne suffit pas ! 

Après son passage dans le graff, loin du politiquement correct, avec des revendications fortes et des heures passées sur les toits, il est revenu à la peinture sur textiles ou sur toiles. « Toutes ces cultures, qui viennent du même endroit, de la rue, j’essaie d’en faire un mélange lisible visuellement. »

Inspiré par la calligraphie Chicano, des artistes comme Mike Giant, Jim Philips ou Erick Griffin, ou encore l’estampe japonaise, il mélange les genres et les expériences pour parvenir à des résultats colorés et riches en détails. Il peut utiliser la bombe, le pinceau, le couteau, l’acrylique, le posca…  Peu importe : il s’amuse. Sans oublier de faire passer ses messages ! 

Comme sur cette œuvre avec un gros Q : « What are you looking at ? C’est pour ça qu’il est censuré. Et c’est pour ça que non, c’est non ! »

Pour autant, il ne veut pas forcément que tout se voit au premier coup d’œil. Il aime la subtilité, cacher les choses, jouer sur les détails et ajouter des touches personnelles.

« C’est un peu égoïste. C’est pour me vider d’un truc. D’une joie, d’une peine… Donc c’est un peu pour moi que je le fais. Mais si je fais kiffer les autres, je suis refait. C’est comme disperser des émotions autour de toi ! »

Souvent, les idées viennent au feeling, justement. Avec les émotions. C’est aussi ce qui lui permet de rester lui-même et de faire des œuvres qui sortent du cœur. « Je ne veux pas forcer les choses. Si elles sont forcées, elles ne sont pas authentiques ! […] Je ne veux pas rentrer dans la surcharge, je ne veux pas que ton œil soit agressé. J’ai envie que ça reste un minimum fluide. »

Partager son art au monde qui l’entoure 🌍 

« Quand je parle d’égoïsme, je ne parle pas de narcissisme. Je fais des trucs, mais je n’ai pas envie de te les imposer. Viens on parle, viens on regarde, viens on écoute. On écoute, pas on entend. Et si moi, je peux t’apporter un truc, c’est magnifique. Et si toi tu peux m’apporter un truc, c’est encore plus beau ! On est tous ensemble, sur ce même caillou qui flotte dans l’espace. Donc autant faire en sorte de vivre ensemble, de partager, si l’autre veut bien. »

Il y a peut-être de l’égo, mais il n’y a pas de narcissisme. Pas de talent non plus. Juste du taf. Et pas mal de sensibilité : « La première chose, c’est d’être sensible au monde qui t’entoure. Avoir de la sensibilité, et la vivre, vraiment. Donner ce que tu as, mais sincèrement. Avec du taf, bien sûr, et de la persévérance. Après, tu peux soit explorer en surface, soit creuser. »

Et Yaya semble bien parti pour creuser : continuer à travailler, à explorer, et à créer. Son défaut ? Être facilement absorbé par ses toiles, y passer des heures et laisser le reste de côté. Mais petit à petit, l’humain comme son art gagnent en maturité. 

Toujours au feeling, il peut peindre une toile en une journée, en plusieurs mois ou des années. Peu importe : il se laisse guider par son inspiration, par ses envies, par ses actualités, par ses émotions du moment. C’est aussi ça, être indépendant. Dans tous les cas, il travaille les couleurs et les détails avec attention, sublime ses émotions et transforme des sujets durs en toiles légères.

« Certains thèmes sont tellement hard, que j’avais besoin de traiter avec de la couleur, vraiment. C’est un peu mon délire de clown triste : le clown maquillé, tout pimpé, mais au fond il chiale. »

Après une première expo avec Festigone, Yaya compte bien en faire d’autres. À la recherche de retours de professionnels et de critiques constructives pour l’aider à progresser, il sait que c’est loin d’être terminé.

L’objectif pour la suite ? Progresser et se développer, pour payer son matériel et vivre de sa passion. « Croquer plein de billets, on s’en fout ! Le but, c’est que ma daronne et mon père partent en paix de ce monde. » Ah, et trouver un peu de stabilité pour laisser de côté l’anxiété. Mais surtout, ne pas avoir peur de kiffer. Créer un maximum, et diffuser son art pour pouvoir en vivre. D’ailleurs, il paraît qu’une BD en collab’ arrive… 🤫

« Je pars du principe qu’il ne faut avoir peur de rien. Peur de moi, ouais. La personne qui m’a mis le plus mal dans ma vie, c’est moi-même. Sinon, le reste, il n’y a pas de raison d’avoir peur ! Il faut juste y aller. »

Retrouve le travail de Yaya Uno sur Instagram