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Aigre Douce – Des averses d’émotions diverses

Aigre Douce, chanteuse lyonnaise

De l’envie d’écrire à celle de partager ses chansons sur scène, il y a tout un chemin. Un chemin qui peut être tortueux avant de se sentir légitime, mais il faut parfois que ce soient les envies et les émotions qui priment. Julie, aka Aigre Douce, est autrice, compositrice, interprète lyonnaise. Après s’être formée au conservatoire, elle a finalement laissé le basson de côté pour se trouver une nouvelle voix, plus libre. Armée de sa guitare, elle nous cuisine des chansons françaises aux influences jazz qui mêlent délicatesse et amertume, colère et douceur. Des chansons d’amours et d’averses. Si vous voulez du superficiel… vous aurez tout l’inverse.

Du conservatoire à la scène : une voie orchestrée 🎷

Julie n’est pas arrivée à la chanson par hasard, seule avec sa guitare. Avant ça, elle a fait des années de conservatoire, en classique, à apprendre le basson et à jouer dans des orchestres. Cet intérêt pour la musique, elle l’a depuis toute petite. Le besoin d’écrire aussi. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle se voyait monter seule sur scène pour partager ses écrits.

« La musique est arrivée assez tôt dans ma vie, parce que j’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont constaté cet intérêt chez moi. L’écriture, je l’ai pratiquée assez tôt aussi, mais sans penser écrire de la chanson. Je pense qu’on est beaucoup à fantasmer d’écrire de la chanson mais en tout cas moi, personnellement, je n’assumais pas. »

Ses textes, elle les écrit pour elle. Son truc, c’est d’abord le basson et les orchestres, tant et si bien qu’elle pensait en faire son métier. En tout cas, c’est dans cette direction là qu’elle allait. C’est pendant le confinement, comme beaucoup d’entre nous, qu’est arrivée la remise en question. « Est-ce que j’ai vraiment envie d’être musicienne d’orchestre toute ma vie ? Les brouillons que j’écris dans mon coin, est-ce qu’ils n’auraient pas un peu d’intérêt ? »

Timidement, elle se tourne petit à petit vers la chanson. D’abord en faisant une formation de musicien·ne intervenant·e, pour intervenir dans des écoles, partager un peu de son art et de son savoir. C’est lors d’un atelier d’écriture avec Buridane qu’elle va au bout de sa première chanson : Carte Postale.

Depuis, elle n’a pas arrêté. Il lui aura suffi de quelque temps loin de Lyon pour réaliser à quel point la musique et la scène lui manquaient. À son retour, pas de doute : ce qu’elle veut, c’est monter sur scène avec son projet. Aigre Douce participe à des scènes ouvertes, fait des co-plateaux (avec Noa Li au Café Rosa, avec Jade Pappagallo à l’AlternatiBar) et continue à se découvrir. Une année à l’ENM pour une formation “Objectif scène” lui permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc et de faire des premières parties. 

Pas à pas, elle s’éloigne du basson et du conservatoire pour gagner en liberté de création et d’expression. « Ça me plaisait beaucoup, mais c’est assez bloquant en termes de créativité. Parce que tu es vraiment là pour bosser une spécialité, et on ne t’encourage pas, voire on te décourage de t’éparpiller. Et moi, j’avais très envie de m’éparpiller ! »

Elle profite de son expérience de la scène (même si c’était avec un basson, au fin fond d’orchestres réunissant des dizaines et des dizaines de personnes), continue à l’appréhender avec de la musique de chambre et une comédie musicale. « Ça m’a bien préparée pour me sentir plus légitime pour présenter mes chansons. Mais j’avais tellement hâte, ça (la scène) ne m’a pas du tout intimidée. »

Dès qu’elle a pu, Aigre Douce s’est inscrite au Tremplin Découverte À Thou Bout D’Chant, toujours dans l’idée de développer son projet. Il y a quelques mois, elle obtenait le prix du jury avec sa guitare, ses chansons et, surtout, ses émotions.

Prise de conscience et de confiance 🧩

Remporter un prix, c’est une chose. Mais ce n’est pas toujours évident de se sentir légitime dans la création et dans le fait de partager un bout de soi sur scène. Pas facile, non plus, de se dire guitariste quand on était spécialiste du basson, qu’on a commencé par le ukulélé, qu’on s’est formé à l’aide de quelques cours collectifs et de son entourage. 

« J’ai la sensation que les plus gros progrès que j’ai fait, c’était toujours en jouant avec d’autres gens de mon âge, de mon niveau. On se donnait des conseils entre nous, et c’est super important cette émulation. » Cet environnement sain, autour de la passion commune de la musique, aura été un outil précieux pour s’affirmer, gagner en confiance en soi et, petit à petit, se sentir légitime. Même si le travail continue ! 

« J’ai du mal à bouder la légitimité. Ça va mieux, ça va beaucoup mieux. Mais ça met du temps. Moi, je ne me sentais pas chanteuse du tout, je ne me sentais pas guitariste du tout non plus. Et là, je ne peux pas me présenter à des gens en disant ça, sinon on ne va pas croire à ce que je fais. »

Ce qui a aidé Aigre Douce à faire grandir cette confiance en elle, c’est non seulement l’entourage et l’environnement de la musique, mais aussi ses interventions dans des classes de CM1-CM2. Face à un public qui n’a rien demandé, qui peut être plutôt agité, et que tu dois pourtant toucher et embarquer. « Jouer devant des CM1-CM2 et ne pas se démonter, aller au bout d’une proposition, en termes de légitimité, ça forme bien. Ce sont des pré-ados, ils ne pardonnent pas ! »

Un exercice encore plus compliqué que la salle de spectacle, où Aigre Douce se sent protégée par la scène et ce contrat qui lie l’artiste à son public. À force de pratique, d’interventions en milieu scolaire et de bonnes fréquentations, la légitimité a gagné du terrain et Julie trouve du sens dans ce qu’elle fait au quotidien.

« Je ne trouve pas beaucoup de sens à beaucoup de choses. Mais ça, j’y trouve du sens. Déjà, physiquement, ça fait du bien de chanter. Ça fait beaucoup de bien d’écrire. Écrire, poser ses émotions, c’est un peu thérapeutique. Composer, mettre ses textes en musique, c’est assez jouissif. Et être sur scène, c’est fatiguant, mais c’est super nourrissant ! »

Un projet riche d’amours et d’averses 🎙

C’est nourrissant pour elle, mais aussi pour les gens. Car Julie parvient à toucher, à transmettre des émotions, à faire voyager. « Voir qu’il y a des gens qui résonnent avec ce que tu écris, qui sont touchés d’une manière ou d’une autre, soit qui rient, soit qui pleurent, sur des trucs que tu as écris dans ta chambre… »

Alors Aigre Douce continue à écrire, assez spontanément, avec un processus plutôt solitaire. Des tas de pensées, de rimes, de jolies phrases qu’elle garde de côté, qu’elle viendra réécrire et renoter pour les agencer et construire ses chansons. Prochaine étape ? Enregistrer et figer ses créations.

Le Tremplin lui a permis d’obtenir une session d’enregistrement qu’elle devrait pouvoir exploiter prochainement. Six morceaux sont déjà prêts à être enregistrés. Récemment, une session live avec La Serre a déjà laissé une première et très belle trace de sa chanson Modena

Mais au-delà des prix et des enregistrements, l’événement organisé par A Thou Bout D’Chant lui a beaucoup apporté, et l’a confortée dans son projet. 

« Ça m’a permis de rencontrer du monde, de me sentir un peu moins seule là-dedans, de voir qu’il y avait plein de manières d’amorcer son projet artistique. Et justement, en termes de légitimité, ça m’a mis un gros coup de pied au cul ! Donc ouais, de la légitimité, des copains, de l’expérience. Et puis de l’espoir aussi, beaucoup, par rapport à mon projet. »

Avec ce bagage, Aigre Douce a de quoi avoir de l’espoir. Les enregistrements à venir pourront vous donner une meilleure idée de son univers : des chansons françaises, aux influences jazz, douces, qui touchent à des sujets intimes et profonds. La santé mentale, l’identité queer, la famille… et beaucoup d’amours et d’averses. Des histoires d’amitié, de relations amoureuses, de famille, qui ont de quoi nous atteindre et nous faire verser une ou deux larmes, que ce soit de tristesse ou de joie. 

« Beaucoup de gens me disent qu’ils ont pleuré, j’adore. J’écris beaucoup mes chansons en pleurant, même quand elles ne sont pas tristes. Et puis j’ai un peu la volonté de faire un truc qui ne soit pas trop lourd à écouter, mais qui soit quand même emprunt d’émotions. J’essaie, en tout cas. »

Ses chansons, elle les a elle-même écrites dans l’amour, dans la douleur, dans… dans l’émotion. Parfois avec de la rage, parfois avec de la tristesse, parfois avec des sentiments qui débordaient et que seule la feuille pouvait récolter.

« Il y a des chansons que j’ai écrites en pleurant, en étant très en colère… J’ai l’impression que j’arrive à transmettre des émotions. Est-ce que ce sont celles que j’avais quand j’ai écrit ? Je ne sais pas, mais ce n’est pas très grave. Je pense que l’important, c’est de transmettre un truc. Et si ça peut être interprété librement par chacun, c’est cool aussi. »

Des histoires qui sortent tout droit du cœur, qui peuvent mêler tendresse et rancœur, et que Julie tient à partager avec les bons mots. « Le langage, ça n’a jamais rien d’anodin. S’il y a bien une occasion d’utiliser du langage inclusif, c’est en poésie. »

Elle veille à ne pas se laisser aller à la colère pour que ses textes soient bien compris et interprétés. Pas toujours évident quand il s’agit de traiter des sujets de société, même s’il est important d’en parler. « Je trouve que c’est important de mettre le doigt sur une sensation de débordement. Et en même temps, j’ai envie que ce soit clair, qu’on comprenne ce que j’ai envie de dire. Quand ce sont des sujets pour lesquels je me bats, je n’ai pas envie que ce soit compris de travers. C’est plus délicat, super dur à écrire, mais ça me donne envie, ça m’importe beaucoup. »

Alors Aigre Douce continue à travailler sa plume, à chantonner, à remplir ses carnets de pensées. Hâte que ses chansons soient enregistrées afin qu’elle puisse vous les partager. Pleines d’émotions, de douleur, de douceur et de larmes, c’est une belle occasion de se laisser happer et de rendre les armes !