Loin des yeux, loin du cœur. Pour nombre de Français, le système pénal et carcéral est bien loin des problématiques quotidiennes. Pourtant, il est question de surpopulation et de conditions déplorables dans un système à bout de souffle.
Et si l’une des solutions était de repenser la sanction en favorisant la réinsertion ? On l’a bien vu lors de nos années collège : copier mille fois « je ne dois pas faire ci, je ne referai plus ça », ça n’a rien de très constructif. Dans le monde des adultes, punir pour punir, c’est pareil.
L’association Possible s’engage pour donner du sens à la peine, plutôt que de simplement sanctionner. Léa Grujon, Directrice, nous a éclairé sur le sujet et les actions mises en place.
Et si au lieu d’isoler et d’oublier, il fallait changer ?
Le système carcéral et pénal reste un sujet peu abordé en société. Et lorsqu’il l’est, c’est bien souvent beaucoup de négatif et de méconnaissance qui en ressortent. « Quand je faisais du droit, que je m’intéressais déjà à la thématique, et que j’en parlais, mon entourage, étudiants et proches, avait tout d’abord une réaction surprise, et souvent négative. Comme si le sujet ne méritait pas que l’on s’y intéresse. », nous précise la directrice.
S’il y a tant de négatif qui en ressort, et que le sujet pourrait presque être caractérisé de « tabou », c’est aussi le signe que beaucoup de choses doivent évoluer. Les idées reçues sont nombreuses, mais on est avant tout mal informés. Pourtant, les impôts servent à ça, aussi. Et les coûts sont énormes : près de 23 000 € de coût moyen annuel pour une personne détenue. Une personne qui est bien souvent dans une cellule de 9 m², avec deux autres détenus. Oui, quand même, oui.
« Les prisons ne sont pas remplies de criminels. La durée moyenne de détention est de 10 mois, et une majorité représente des délits (routiers, vols, stupéfiants…). Rien à voir, donc, avec ce que les médias et les films peuvent laisser paraître. C’est pourquoi il est important de déconstruire les préjugés, de développer les alternatives pour désengorger lorsque l’incarcération n’est pas nécessaire, et pour les autres, de préparer la sortie dès la détention. Aujourd’hui, 63 % des personnes qui sortent en sortie sèche retournent en prison dans les 5 ans… » Il y a un problème, non ?
NDLR : Une autre théorie est possible, c’est vrai. Peut-être que l’on nous cache certaines choses, et que les prisons sont loin d’être ce que l’on pense. En réalité, on y trouve saunas, hammams, literie exceptionnelle, chefs 5 étoiles en cuisine, une solidarité sans faille et de l’amour à foison sur place… Ce qui pourrait expliquer le nombre important de récidive. Et si finalement, on nous mentait ?

De Chantiers-Passerelles à Possible
Pour faire face aux difficultés du système carcéral et pénal, mais aussi à une société mal informée et peu impliquée, l’association Chantiers-Passerelles s’est créée en 2014 à Lyon. Sa première mission ? Agir pour une alternative à la prison impliquant la société : le travail d’intérêt général (TIG).
Une grande partie du job était alors de favoriser l’implication des citoyens : l’association peut accompagner, donner les moyens d’agir en faveur d’une alternative à la prison. Mais cela repose aussi sur l’implication civile : le TIG, c’est l’opportunité de travailler sans rémunération pour une structure d’intérêt général, plutôt que d’être en prison. Les structures doivent s’y ouvrir, mais cela demande de l’information et de la formation. Pendant plus de quatre ans, Chantiers-Passerelles a fait la promotion de cette peine, développé un réseau et formé.
Finalement, en 2018, première victoire : une agence pour le travail d’intérêt général a été créée par le ministère de la Justice, pour reprendre une partie de ce que Chantiers-Passerelles avait expérimenté.
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L’association Possible et ses actions
Chantiers-Passerelles a alors évolué et est devenue Possible, en décidant d’aller plus loin et d’élargir ses actions. Le principal objectif ? Informer, toujours, et devenir une fabrique à engagement citoyen. Ses actions portent sur deux axes principaux :
- Changer le regard et donner envie d’agir, à travers des événements originaux de sensibilisation, issus de l’éducation populaire : des « apéros justice » destinés au grand public (mais non, y’a rien à voir avec alcooliques anonymes ! D’ailleurs, y’a aussi des softs), des « prison breakfast » auprès des entreprises (non, toujours pas de rapport avec un club d’amateurs de séries !)… En 2019, ces événements ont rassemblé 750 participants. Pas mal, non ?
- Accompagner et former à l’engagement dans le secteur. En tant qu’organisme de formation, Possible a développé son expertise pour accompagner les structures de travail d’intérêt général, et lancé un programme d’accompagnement de porteurs de projets avec l’incubateur Ronalpia : Act’ice. En 2020, cela représente 7 projets qui agissent, en détention ou à l’extérieur, au niveau national.
Parmi les projets Act’ice…
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De l’intérêt dans la société et le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS)
D’après une étude menée en 2018 sur 200 citoyens, Possible a constaté que 90 % étaient intéressés par la question de la réinsertion. Nombreux ne savaient pas qu’il était possible de s’engager sur le sujet, et comment.
« C’est vraiment dommage, car il y a bien plus de personnes intéressées qu’on le croit ! Nous avons fait une étude et échangé avec des incubateurs sociaux ; aucun projet n’avait été accompagné dans le champ de la justice. Et ce n’est pas par manque d’intérêt, mais le secteur est complexe, a ses techniques, ses enjeux et son vocabulaire propres. »
Preuve que le sujet intéresse malgré tout : quand Possible a lancé un appel à projet, ce sont 60 intérêts qui se sont présentés, et 27 projets qui ont été déposés. Et rien que ça, ça représente beaucoup de positif.
« Les deux axes d’actions choisis, sensibiliser et accompagner, sont hyper importants pour nous, car l’action commence par la prise de conscience. Dédier l’un de nos axes à de la sensibilisation, ce n’est pas rien. Car malgré malgré l’impact de nos événements qui débouchent sur des actions concrètes, ce n’est pas facile à financer. Pour nous, il y a un mix entre des aides d’entreprises, des financements publics, puis l’autofinancement, qui est un gros enjeu. On espère à l’avenir du soutien pour les acteurs du monde de demain… En attendant, on joue un jeu d’équilibriste ! »
Isolement et confinement : une prise de conscience ?
La crise sanitaire actuelle interpelle. On se rend compte que certains métiers d’habitude dénigrés sont indispensables, on pense à eux, comme on pense maintenant aux SDF que l’on croisait auparavant sans le moindre regard. On se plaint d’être enfermés, dans notre confort. Mais qu’en est-il des prisonniers ?
Ils partent avec un gros avantage, pourraient affirmer certains : pour nous, c’est difficile de ne pas sortir. Alors que eux, ils n’ont pas le choix de rester confinés, c’est plus simple ! Trève de sarcasme et de plaisanterie :
« Comme pour pas mal de secteurs, la crise sanitaire a rappelé le dysfonctionnement du système carcéral. Difficile, pour des prisons surpeuplées, de faire face à la propagation du virus. Des mesures de libération ont été mises en place. Mais cela met aussi en lumière le besoin d’initiatives. Comment faire quand on sort de façon sèche, sans logement, sans famille, sans travail ? Ce manque nous renforce dans nos convictions. »
Il a fallu attendre une telle crise, mais on a enfin entendu parler des acteurs sociaux, toujours présents pour aider les plus démunis. Mais saura-t-on continuer à leur accorder l’attention qu’elles méritent ? « Il est important de ne pas faire l’impasse sur tous ces engagement sociaux et solidaires, sous prétexte économique. Sinon, on risque de se retrouver régulièrement dans de telles situations. »
En confinement, l’association a poursuivi son activité. Un « apéro justice » à distance a réuni une cinquantaine de personnes, sur deux pays. Au passage, tous les événements sont accessibles à toutes et à tous, à prix libres ou prix conscients. En parallèle, l’association invite au don. Alors si le sujet vous parle, vous intéresse, vous motive… donnez-vous en la peine !