
On peut avoir tendance à croire que la danse n’est qu’une activité sportive. Mais c’est aussi (et surtout) un art qui peut aider à se connaître et à s’exprimer. Et dont on peut vivre. Camille est danseuse de top rock, de hip-hop et de waacking. Et vloggeuse. Entre autres. Avec des potes, elle a fondé la compagnie lyonnaise Karthala. Depuis plus de 10 ans, elle s’entraîne, enchaîne les cours, les battles, les événements… Et surtout, elle partage l’art qui l’a forgée avec des valeurs importantes à véhiculer.
La danse comme une évidence 🤸♀️
Avant de faire ses premiers pas, Camille a commencé par danser. Ok, ok, j’exagère peut-être un peu. Mais c’est pour dire qu’elle a commencé toute petite, dans une famille d’artistes. Avec sa maman qui donnait des cours de danse, sa grand-mère qui dessinait, son papa qui aimait la photographie…
Et pour autant, non, il n’y avait pas de “projet Mbappé” : on ne l’a jamais forcée. « Ils m’ont toujours dit “fais ce que tu as envie de faire. Donc j’ai fait du dessin, de l’équitation, de la danse, du cirque, de la capoeira… j’ai fait plein de choses ! Ils m’ont toujours laissé la porte ouverte pour que je trouve ma passion. »
Sa passion qu’elle a trouvée, c’est la danse. Comme eux, elle ne pensait pas forcément qu’elle allait en faire son métier. Et pourtant, aujourd’hui, après plus de 13 ans à danser, ça fait 5 ans qu’elle évolue en tant que danseuse pro.
Le déclic ? Elle l’a eu quand son amie Oregane l’a emmenée à un atelier organisé par le Lycée, en espérant la libérer un peu des pensées noires qu’elle avait dans la tête : « Elle m’a dit ‘Viens, tu vas te changer les idées, tu vas kiffer, ça va te faire du bien !’ Et il s’avère que c’était le cas, tout simplement. Donc merci à elle de m’avoir fait découvrir ce magnifique univers. »
Après cet atelier, Camille a pris des cours et a commencé à s’entraîner de plus en plus souvent avec d’autres gens. Jusqu’à en faire son métier et à devenir intermittente en accumulant les ateliers, les cours, les dates et les représentations.
« Ça a été naturel. Dès le début je l’ai su, en fait. J’ai eu le coup de foudre, j’ai su que c’était ça direct, et ça a toujours été ma priorité numéro une. Être danseuse, transmettre, faire des événement, créer. C’est un métier dur, mais c’est possible. Pourquoi ça ne le serait pas pour moi ? »
L’irruption de la compagnie Karthala 🌋
Dans un milieu culturel qui n’est pas toujours au beau fixe, pas forcément évident de se faire sa place et d’être reconnu en tant que danseuse. Mais l’envie de faire les choses est là. Alors à 18 ans, avec des potes, Camille participe à la création de sa compagnie : Karthala.
« Ça a été une super belle expérience de monter une compagnie à 18 ans. On était tous jeunes, c’était ouf ! On était 10 à l’époque, et maintenant on est 3 à diriger la compagnie mais les autres gravitent pour la plupart toujours autour. Et heureusement qu’on a ça, ça nous permet de rester dans le milieu, dans la création, de montrer qu’on est présents. »
Alors oui, Camille n’est finalement pas que danseuse. Avec les autres membres fondatrices de la compagnie, Oregane et Rose, elle fait de la gestion, de la communication, du marketing… et plein d’autres métiers. Avoir des subventions, faire venir des élèves aux cours et des gens aux événements, ça ne se fait pas en un claquement de doigts !
« On apprend sur le tas à faire plein de taf. On ne fait pas que de l’art. Il y a toute la partie administrative, qui est cachée, qui représente un taf énorme. Pour toutes les compagnies hein ! Il faut avoir envie, et il ne faut pas lâcher. »
La chance qu’elles ont, c’est d’être trois, pour se soutenir et s’entraider au quotidien. Sachant qu’elles doivent continuer à apprendre sur la gestion d’asso, mais aussi sur leur danse, qui évolue au quotidien : « On a tout le temps à apprendre, à répéter, à training, à se buter à chaque fois pour donner le meilleur de nous-même. Pour être toujours plus à l’aise avec nos mouvements, et mieux les interpréter. »
À part en vacances loin de la France, difficile de déconnecter. Si elle est dans le coin, Camille reste à l’affût (des auditions, des trainings, des battles…), doit préparer ses cours, s’entraîner et avancer sur les beaux projets de l’asso : des créations artistiques, de la transmission et des événements.
« On aime beaucoup transmettre. Notre identité est basée sur ça. On fait des ateliers, on va dans les écoles. Nos créations sont très axées sur l’identité, le genre, la culture, comment nous en tant qu’être humain on se perçoit, on s’accepte, on s’estime… et le partage. Parce qu’on aime faire plaisir aux autres. »
Des thématiques importantes à partager, et des valeurs importantes à véhiculer. Avec ses événements, la compagnie aime aussi réunir des communautés, des cultures, des identités différentes. C’est aussi ça, Karthala : le mélange, la diversité, le partage, peu importe la provenance.
« Karthala, c’est un volcan aux Comores. On est un volcan : on bout, on bout, en bout et un jour on va exploser ! »
Leur seul goal ? Que les pièces tournent, que le nom se fasse connaître à Lyon et ailleurs. Et surtout : transmettre et partager, encore et encore, des expériences et les valeurs de la danse. Des valeurs qui peuvent apporter beaucoup, notamment quand on veut s’exprimer, prendre confiance et s’affirmer…
Avec la danse, tout est bon apprendre… et à dire 💬
Si Camille entretient un rapport si particulier avec la danse, c’est aussi parce qu’elle lui a permis d’apprendre à se connaître, à se découvrir et à s’exprimer. Pas toujours évident quand tu es au collège et que tu as besoin de gagner confiance en toi !
« C’est mon moyen d’expression. J’ai eu beaucoup de mal avec les mots, pendant un long moment. C’était dur pour moi d’exprimer des émotions, des sentiments… J’ai beaucoup bégayé, j’ai eu des moqueries, donc je n’avais pas trop envie de parler, ça n’aidait pas. C’était plus simple pour moi de m’exprimer en dansant qu’en parlant. »
Alors elle a dansé… et elle a continué à danser. Elle a commencé par la house, avant d’expérimenter le popping et plein d’autres styles du hip hop qui lui laissaient un maximum de liberté. « Dans le hip hop, j’ai trouvé qu’on pouvait s’exprimer librement. Qu’il y avait un truc, comme si on pouvait dénoncer tout ce qu’on voulait. Comme si on pouvait crier, dire ce que l’on a à dire. »
Avec le temps, la volonté et les entraînements, la danse lui a permis de s’affirmer. Même si pour en arriver là, il y a eu des tas de cyphers, des tas de moments à surpasser, des tas de traumas et quelques larmes. Des battles en solo à Paris, des appels au secours à des amis… des obstacles délicats (mais surmontables) qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.
« La danse, ça m’a permis de prendre confiance en moi de ouf, et de m’imposer en tant que personne. De me dire ‘ok je peux parler, je peux être écoutée, et si ils ne sont pas contents ce n’est pas grave’. Mais ça prend du temps, hein. Ça ne fait pas si longtemps que je me dis ‘fais ce que tu as envie de faire, comme ça tu ne regretteras rien’. C’est aussi ce que j’essaie de transmettre à mes élèves. Ça m’a apporté énormément, alors j’ai envie de leur apporter ça aussi. »
Et c’est ce que Camille essaie de partager, tout en restant à l’écoute : elle sait que se mettre à nu n’a rien de facile, et que pousser quelqu’un dans ses retranchements peut vite être traumatisant. Chacun son rythme, chacun ses difficultés, chacun ses envies.
« C’est en passant dans des cercles, en se confrontant à soi-même et au regard des autres, qu’on se sent plus à l’aise. Mais ce n’est pas évident. Et je ne force jamais mes élèves à passer dans un cercle. Parce que je ne sais pas où ils en sont dans leur quête intérieure, dans leur regard aux autres, ce qui se passe à l’école, dans la famille… Quand ils passent, je suis la première heureuse. Mais chacun son timing, chacun son allure. »
Avec une passion qui ne semble pas prête de la lâcher, Camille continue à enseigner et à travailler sur ces deux amours du moment : le top rock, avec lequel elle entretient une relation passionnelle, et le waacking, sa bouffée de liberté. Elle jongle entre les moments de training intense et les moments de liberté, en continuant à profiter de la danse, de l’art et de tout ce qu’il peut lui apporter !
« C’est ma manière de décharger. Quand il y a un trop plein d’émotions, et que même en l’écrivant, en le pleurant ou en le criant ce n’est pas suffisant… il faut lâcher prise, et la danse peut aider. Je ne sais pas si c’est une thérapie, mais c’est un moyen d’expression. C’est un langage. C’est mon langage. »