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Fleur sous bitume – Plus de fleurs que de mal 

Vaste défi que celui d’organiser le bordel du monde dans lequel on vit. Déjà qu’organiser ses propres pensées est loin d’être simple… C’est, en partie, ce que Fleur sous bitume nous partage dans ses chansons qui mêlent pop, rap et chanson française. Des textes intimistes emplis d’émotions qui se marient parfaitement à des mélodies douces et éthérées. On a rencontré Bertrand, aka Fleur sous bitume, chanteur franco-allemand de 26 ans qui a sorti son projet Organiser le chaos il y a quelques mois.

Risquer de se planter pour espérer pousser 🌱

Après avoir grandi en Allemagne, Bertrand a débarqué à Lyon il y a 7 ans. C’est ici, en 2020, qu’il a planté les premières graines de Fleur sous bitume.

Il avait 15 ans quand il a commencé la musique, après avoir découvert le rap, et notamment le rap français, lors de ses vacances annuelles en Bretagne. Avant même la musique, c’est l’écriture qui est entrée dans sa vie. Il se met d’abord à écrire des rimes, en allemand puis en français, avant d’avoir envie de poser sa voix et de rapper.

« J’étais fasciné par les possibilités de la langue française. En termes d’allitération, etc. Rien que les mots sont jolis, sonnent hyper beaux, et sont plein de sens ! […] En fait, la feuille, le papier, c’est une espèce de miroir. Tu te mets devant et ça rend concret des émotions, ça les rend palpables. Ça te permet de mieux les comprendre, les appréhender, les externaliser et les travailler. […] Comme beaucoup de rappeurs, je récupérais des prods sur YouTube. Sauf qu’au bout d’un moment, j’ai eu envie de faire mes propres morceaux, donc je me suis mis à prendre une guitare. »

Pour aller plus loin, Bertrand choisit de prendre des cours. D’abord de guitare, puis par la suite de chant, de compo et d’impro vocale, à l’ENM de Villeurbanne. En même temps qu’il s’attaque au rap, il découvre la scène avec les scènes ouvertes, notamment celles de À Thou Bout d’Chant, qui devient son rendez-vous récurrent. La musique prend de plus en plus de place dans sa vie jusqu’en 2022, année à laquelle il décide de s’y consacrer à plein temps.

En parallèle, il rencontre Armand, pianiste et beatmaker, qui jouera un rôle crucial dans son évolution musicale. Il apporte à la patte mélancolique de Bertrand des notes douces et de la positivité, qui donnent lieu à un savant mélange : « sans lui, le projet n’aurait pas du tout cette sonorité ! »

Ce projet, c’est Organiser le chaos. Son troisième EP, et sans doute le plus abouti, sorti début 2024. Un projet dans lequel Bertrand partage deux années de réflexions, d’écriture, d’introspection, d’émotions face au chaos de ce monde. Un savoureux projet qui navigue entre rap, chanson et pop. La fleur poursuit sa croissance, mais les racines sont là !

« C’est vrai que quand tu veux créer un univers artistique, il faut savoir prendre des directions. J’ai des morceaux en cours, de la pop pure et dure où tout est chanté, d’autres morceaux où je rappe vraiment… il faut que je vois comment arriver à relier les choses. »

Enquête (pleine) de sens 🌸

Pendant deux ans, Bertrand a donc accumulé un tas de maquettes, des morceaux plus ou moins bons, qu’il a triés et retravaillés avec Armand. Les deux artistes ont fait en sorte de n’en tirer que le meilleur. Mission accomplie : Fleur sous bitume fait cogiter, ressentir, vibrer, chialer, sourire…

Avec lui, on tente d’y voir plus clair dans le chaos du monde, pendant que l’artiste nous raconte ce que peut être de grandir et d’évoluer dans une société qui éclate dans tous les sens, une époque qui questionne et génère beaucoup de stress.

« Ce projet parle de ce que c’est d’avoir la vingtaine dans un monde qui paraît hyper cloisonné, mourant, chaotique, bordélique. Comment on trouve nous, en tant qu’individus, en tant que société et groupe, notre place dans ce bordel-là. […] C’est un combat contre la résignation, la dépression qui accompagne notre époque. »

Quand il crée ce projet, Fleurs sous bitume n’est pas dans ses heures les plus heureuses, plein d’émotions qui peuvent être partagées par une bonne partie de nous, à la sortie du confinement, alors que l’on se perd entre l’urgence écologique, le racisme, les guerres… Pour lui, raconter tout ça était logique.

Ce combat contre le chaos, c’est aussi son combat quotidien. Mais ne vous inquiétez pas : ses chansons sont plus sombres que lui. Il joue sur ses émotions bien réelles, fortes et universelles, et peut simplement avoir parfois du mal à s’en défaire. « Parfois, devenir optimiste, chercher le positif, c’est à certains moments trop dur. Alors que s’enfoncer dans le noir, c’est plus simple ! »

« On dit souvent que la nature est anarchique, chaotique. Pour moi, c’est un peu l’inverse. La nature est très ordonnée, très logique, et c’est ce que les hommes en font qui me parait très chaotique, très bizarre, très pervers. »

Un projet en béton direction la lumière ☀️

Organiser le chaos vit. On ne dira pas que le monde va mieux, mais le chaos dans la tête de la Fleur sous bitume s’est apaisé, laissant place à une nouvelle vague créative. Et il n’a pas perdu les pétales. Alors que les autres projets ont vite vieillis, Bertrand ne s’est pas encore lassé de son dernier EP. Sans doute la conséquence du fait d’avoir pris le temps de chercher et d’avoir bossé avec quelqu’un qui le comprenait de A à Z.

De retour au boulot, en studio, il tâche d’être régulier et de trouver la formule qui l’amènera vers plus de légèreté, plus d’optimisme.

« Des potes me disaient qu’ils avaient du mal à écouter parce que c’était trop sombre. J’avais du mal à l’entendre, et maintenant, je comprends. Je me suis aperçu qu’il m’arrivait la même chose avec certains artistes. […] Mon objectif, maintenant, c’est ça : faire de la musique qui transporte, qui emmène les gens loin de la grisaille, qui donne le smile plutôt que de faire pleurer. »

Bien sûr, il y a déjà de la lumière dans la grisaille de ses morceaux. De toute façon… l’un ne va pas sans l’autre ! S’il y a de l’ombre, c’est qu’il y a de la lumière. Une lumière qui ressurgit régulièrement dans ses clips, très qualis, à l’image d’Ascenseur, le petit dernier réalisé avec Alex Mamelli.

Si Bertrand se remet encore régulièrement en question, pas de doute, c’est dans la musique qu’il veut baigner, et non pas dans le chaos de ce monde.

« Il y a des cycles. La société valorise la réussite sous des critères très précis, et avoir un projet artistique, ça ne rentre pas dans ces critères-là. Tu dois aller à contre-courant, donc forcément, ça met des doutes. On a ce truc de “le travail, c’est faire quelque chose qu’on aime pas”. C’est aussi une croyance ancrée en moi, et j’essaie d’en sortir. »

Fleur sous bitume poursuit sa route en bossant sans compter pour créer de nouvelles maquettes, en tâchant d’ajouter un peu de légèreté dans ses recettes. En attendant, si vous avez envie d’écouter des chansons pleines d’émotions, des textes poétiques et soignés, vous allez être servis. Pas besoin d’être à fleur de pot pour avoir la chair de poule !