Il y a des gens qui sont dans leur monde… et il y en a qui sont dans leur monde, mais qui le transposent dans notre réalité pour nous en partager un bout. C’est le cas de Julie Cherki, photographe à Lyon depuis une bonne dizaine d’années. D’un côté, elle fait des photos de spectacles… et de l’autre, elle crée son monde. Elle arpente le nôtre à la recherche de décors incroyables pour façonner un univers, jouer avec les couleurs… et proposer une trêve de rêve !
Faire de la photo comme impro 📸
La photo est arrivée un peu par hasard dans sa vie : un ami se met à en faire, et Julie lui emboîte le pas. De quoi sortir un peu la tête des meubles, à l’époque où elle travaillait dans une grande enseigne scandinave dont on ne citera pas le nom.
Elle s’achète un appareil, se met à faire une sortie photo, deux sorties photos, trois sorties photos… Bref, de plus en plus de photos, mais aussi de plus en plus de rencontres qui lui permettent de se former, pas à pas, auprès des gens qu’elle côtoie.
C’est au retour d’un voyage en Chine, dont elle revient avec quelques clichés (et non, on ne parle pas de préjugés !), qu’elle décide de quitter son boulot pour tenter de se professionnaliser pour de bon. Les questionnements persistent et la page blanche revient régulièrement sur la planche… jusqu’à ce que la danse serve de déclic.
« C’est la danse qui m’a emmenée vers une autre écriture, une autre lecture de ce que je pouvais faire. […] J’ai proposé un échange : des photos, contre des cours ! Ça a commencé comme ça, et ça m’a installé dans un milieu où il y a beaucoup de matière, et besoin de photographes. »
Depuis, Julie a multiplié les projets dans la culture, auprès d’institutions, de compagnies, d’associations… Le tout en continuant à se former en permanence, de son côté, en autodidacte, auprès de photographes et avec des vidéos. Du système D, comme elle dit !
« Techniquement, j’ai l’impression que j’ai encore des tonnes de trucs à apprendre, parce que je ne suis pas passée par la case école, où on t’apprend des choses ciblées, où tu n’as pas besoin de chercher pour aller trouver des informations. […] Je regarde beaucoup, j’observe énormément ! »
En plus d’observer attentivement les œuvres des autres photographes, compliqué pour elle de se promener sans penser aux décors qu’elle pourrait utiliser pour ses créations. Depuis ses premiers pas, elle a voyagé, marché, et accumulé les photos jusqu’à trouver sa patte. Une patte qui mêle décors, couleurs et, parfois, des corps…
« En ce moment, c’est la passion absolue. L’image a vraiment repris le dessus, j’ai envie d’en faire tout le temps ! »
Décors et des corps au service de la science-fiction 🧪
Julie passe donc son temps à chercher des endroits. Des lieux, des décors qui pourront lui permettre de dessiner son univers, irréel et incroyable. Souvent, la pierre n’est jamais loin. Si ce n’est pas de la roche naturelle, c’est l’architecture qui prend le relais.
Mais tout ce qui peut être un lieu non terrien identifiable (à moins de le connaître, bien sûr), est un parfait terrain de jeu pour elle !
« Ça motive tout mon quotidien. Je passe mon temps à chercher des endroits. Tous mes voyages sont faits pour ça […] J’aime trop ça ! […] J’ai envie de faire de la fiction, presque de la science-fiction. Beaucoup d’irréel. Mon credo, c’est de chercher des lieux, des endroits, des décors incroyables. Qui ne sont pas terriens. Le désert, la montagne… L’idée, c’est d’en faire un monde qui n’existe pas. Qui puisse me sortir de ma réalité. »
Elle ramène donc des milliers de photos non traitées de ses voyages, prend des décors, les travaille, y ajoute parfois des corps…
Quand certains artistes écrivent tout, ont besoin de tout planifier avant d’appuyer sur la détente, Julie a plutôt tendance à être de l’autre école : elle écoute ses envies de l’instant. Bien sûr, il lui arrive d’imaginer des scènes et de cibler des lieux à découvrir, à observer, à capturer, mais ensuite… tout se fait sur le moment.
Quand elle décide d’y ajouter un corps, ce sera pour en faire un corps objet, non identifiable : parfois de dos, parfois de loin, parfois dans une position improbable ou incongrue. « Le modèle fait autant partie du décor que le décor. Il n’est pas plus important. L’idée, c’est que ce soit un corps un peu marionnette, inanimé. »
La photo comme partie de plaisir… et moyen d’expression 💡
Avec un simple décor, elle crée des ambiances, un monde dans lequel on pourrait se perdre des heures. De plus en plus, elle utilise des flashs de couleurs pour tester d’autres ambiances, trouver de nouvelles idées. Sans oublier de s’amuser avec l’IA et les liminal spaces… Bref, elle prend son (tré)pied !
Elle s’amuse, certes, mais pas seulement : quand elle le peut, elle s’investit sur des sujets qui lui tiennent à cœur, comme la protection des animaux, même si le temps vient trop souvent à manquer. La photo documentaire, qu’elle a déjà pratiquée, est toujours dans un coin de sa tête…
La photo reste non seulement son moyen de vibrer, mais aussi une manière de s’exprimer. Une manière de trouver son monde, de le montrer, de rêver, et de nous partager un peu de cette rêverie.
« Je sens que j’ai une petite incapacité sociale (qui n’est pas perceptible), qui fait que j’aime beaucoup être dans mon monde. Donc je crée mon monde. En fait, il est déjà là de base. J’ai toujours été rêveuse, dans la fiction… j’en ai toujours eu besoin. C’est un peu un cocon. Un besoin d’être dans mon petit monde à moi. »
À l’heure qu’il est, Julie doit être devant son ordi, penchée sur une photo en train de trouver la bonne ligne, les bonnes courbes, les bonnes couleurs pour tirer profit de son décor et créer un espace dans lequel elle pourrait se plonger et se complaire. À moins qu’elle ne soit en train de préparer son voyage dans l’Ouest américain… Une chose est sûre : elle n’a pas fini de rêver, ni de nous faire voyager !