Il y a de quoi être en colère face au monde et ses injustices. Certains artistes s’appuient sur leur art pour s’exprimer et se battre, à leur échelle. L’exutoire de KLM, c’est le rap. Depuis 2018, c’est au micro et avec ses rimes qu’elle partage ses doutes et qu’elle enflamme les scènes. On a pris le temps de discuter avec la rappeuse lyonnaise, qui prépare la sortie de son prochain projet.
Le rap coule comme le son dans les veines 🩸
C’est autour de 8 ans que KLM a découvert le rap, avec Skyrock puis les albums des grands NTM ou IAM, entre autres. Elle était du genre à collectionner les CD, à connaître les numéros des tracks et les paroles par cœur. Assez vite, elle se met à gratter le papier et à laisser les rimes primer pour s’exprimer.
Vers 16 ans, elle commence à rapper. Et quelques années plus tard, vers 20 ans, elle se retrouve à sillonner Lyon, à se frotter aux open mics… et elle participe à la création des Artisans des Bonnes Ondes : un crew de 6 rappeurs qui lui permet d’être bien entourée, de profiter de l’énergie et de la force d’un collectif pour avancer.
Sauf que se lancer dans le rap, même en ayant les crocs, c’est pas simple. Alors KLM mène une double vie et travaille en tant qu’éducatrice spécialisée, même si c’est le rap qui rythme sa vie : « Je rentrais chez moi, j’écrivais, je faisais des ghetto blasters sur les quais… ». Jusqu’à ce que ses potes lui offrent une séance studio, qui donnera lieu à l’enregistrement de son premier EP, Ici Bas.
La double vie continue, jusqu’à ce qu’elle finisse par se rendre à l’évidence : elle a besoin de temps pour avancer dans ce qui lui plait vraiment. Oui, toujours le rap.
« Au fur et à mesure des rencontres, je progressais […]. Au bout d’un moment, la frustration de revenir à éduc, c’était trop. La double vie… Pour moi c’était pas supportable d’être sur deux fronts, la fatigue… […] Éduc, c’est un métier assez usant psychiquement, et la musique, ça te demande d’être dispo mentalement. »
Grâce à sa persévérance et à sa passion qui la mènent aux bonnes rencontres, KLM devient intermittente et l’artiste qu’elle est aujourd’hui. C’est-à-dire ?
Une artiste qui prend le micro avec les crocs 🐺
Rappeuse, mais aussi manageuse, community manageuse, logisticienne… Même si elle est bien entourée, et qu’elle bosse avec plein de gens de son réseau, KLM gère tout et reste la première gestionnaire de sa carrière. Pas forcément évident quand ton but premier, c’est de créer et de rapper !
La remise en question est quotidienne : « Donc oui, il y des moments ou tu te poses beaucoup de questions, où tu te demandes pourquoi tu t’infliges ça ! Mais dès que tu prends un micro, que tu montes sur scène… […] C’est ça qui me fait vibrer, c’est ça qui me tient en vie ! »

Elle n’est pas là pour percer, mais pour vivre de sa musique et la partager. En faisant des concerts, à Lyon, aux alentours, et plus loin en France. Ce qui l’a emmenée au Demi Festival, à Sète, l’an dernier. À côté, elle mène des actions sociales et anime des ateliers d’écriture, auprès de MJC et de structures spécialisées.
© Thorium Mag
Son prochain projet, en cours de finalisation, verra le jour en septembre 2024. Au menu : un premier volume, qui sera suivi d’un second. Un projet sur lequel elle bosse depuis un moment, et avec lequel elle a essayé de sortir de sa zone de confort : « J’expérimente plus la musicalité, le chant, et puis d’autres types d’instrus. Histoire de faire écouter d’autres sonorités ! »
Au-delà de la sonorité, pas de doute, il y aura une plume soignée, efficace, engagée. Oui, parce que KLM a un stylo aiguisé – Comme une lame… et pointu comme un couteau. Elle utilise ses textes pour crier et porter des sujets qui lui tiennent à cœur. Au centre de ses engagements : l’injustice sous toutes ses formes.
Que justice soit fête ✊
Bien sûr, elle est consciente que ce n’est pas ses textes et sa musique qui vont changer le monde. Mais si elle peut planter des graines et faire sa part en espérant voir pousser des arbres ou des fleurs, elle tient à le faire.
« Je pense que la musique, c’est aussi un moyen de lutter. Je suis particulièrement animée par ce qui concerne la justice : sociale, raciale, financière, mondiale… Je trouve qu’on vit quand même dans un monde où les écarts sont de plus en plus grands. Il est nécessaire de se rassembler et de fédérer pour contrer ça. »
Et oui, le rap et ses valeurs sont aussi là pour dénoncer, rassembler, et porter des combats. Des combats importants à l’heure où l’on est noyés sous les informations, sous la violence, et où la colère a de quoi monter.
« Le fascisme, le racisme, le manque d’empathie des gens et de la société, et des personnes qui nous dirigent… On marche sur la tête, on n’est pas du tout dans l’idée de prendre soin ! […] Et il y a aussi les violences policières qui rendent complètement ouf, et cette impunité. Cette violence permanente en fait. Tout est violent. Avec les réseaux, on a beaucoup plus accès à l’information, et la violence, les viols à gogo, etc. Ça rend fou en fait. »
La musique est un bon moyen d’éviter de sombrer et de partager son incompréhension, histoire de se sentir un peu moins fou face à cette haine grandissante. Au-delà des malaises de notre société, c’est contre ses démons en tant qu’humaine que KLM se bat régulièrement. La dépression, la tristesse, la santé mentale, la colère, les addictions… Derrière, la volonté de les transformer en énergie plus positive. Parce qu’il n’y a pas que du noir !
« Tu trouves le monde cruel ? Admire donc sa beauté ! » 🌸
« Mais oui, moi aussi, hypersensible… le monde qui s’écroule autour de toi, si tu focus que sur ça, ben tu te dis à quoi bon vivre, à quoi bon rester sur cette terre. Sauf que non, il y a aussi plein de belles choses, plein de choses qui bougent […] Il faut aussi voir le positif. Tu trouves le monde cruel ? Admire donc sa beauté ! »
Le rap est là pour dénoncer, provoquer, mais aussi ensoleiller et ramener des bonnes ondes. Parce qu’il y a quand même énormément de solidarité, plein d’assos qui luttent, de belles dynamiques qui se créent, et qu’il y a de quoi avoir de l’espoir et faire la fête.
D’ailleurs, mieux vaut ne pas rester enfermer sur les réseaux. C’est valable pour éviter de trouver le monde cruel, mais aussi pour se lancer dans le rap : « sortez le rap de votre chambre ! Allez vous confronter à d’autres personnes, entourez-vous ». Car oui, derrière les posts sponsorisés, il y a des gens qui sortent, qui rappent, et qui kiffent leur vie. Pas toujours besoin de “percer” pour cela…
« Il faut faire, et se faire plaisir. Tu peux que progresser, toujours. Dis-toi qu’il n’y a rien d’acquis. On range l’égo, et on kiffe ! »
Le meilleur moyen de savoir si KLM peut vous toucher avec ses sons… C’est de l’écouter. Voire de la voir sur scène, parce que c’est de là qu’elle vient, et c’est là qu’elle s’éclate le plus. Elle n’est pas là pour mettre tout le monde d’accord, mais un truc est sûr : elle prend le rap à bras le corps !