Faut-il vraiment devenir sérieux la trentaine passée ? Arrêter de rêver, de s’amuser, pour laisser de côté l’enfant qui sommeille en nous ? Baptiste, aka LVCKY, rappe à Lyon depuis une dizaine d’années. Assez discret, il n’est pas du genre à sortir des trucs sans raison mais plutôt à soigner chacun de ses sons. Des sons qui racontent des histoires, qui abordent des thèmes de notre génération avec pas mal de dérision !
Un rappeur trop jeune fun pour mûrir 🍎
Ça fait 3 ans que LVCKY bosse sur un projet qui va bientôt voir le jour. Mais si on rembobine, tout a commencé par le beatbox aux côtés de mecs comme Alem, devenu champion du monde entre temps. Oui, Baptiste était le genre de mec à se mettre à beatboxer au milieu d’une phrase : « Ça tournait à l’addiction ! J’ai du mal à faire les choses à moitié, de toute façon. »
À la sortie du lycée, il laisse ça de côté. Et c’est pendant une année d’études à l’étranger qu’il gratte son premier texte : « Trop jeune pour mûrir », inspiré par le titre de l’album de Stomy Bugsy, sur la prod de J’ai mal au mic d’Oxmo Puccino. Avec ce premier son, qui dort encore au chaud sur Soundcloud, il découvre le kiff d’écrire, de poser ses idées pour créer.
« C’est le texte que j’ai peut-être écrit le plus vite de ma vie. Moi qui suis très vif sur un peu tout, ça m’a fait vachement de bien de me poser, de réfléchir. C’est bien d’user son cerveau, de le fatiguer, de réfléchir activement. […] En fait, rapper, c’est créer de l’information. Créer de l’activité cérébrale. »
Vous l’aurez compris : il est piqué. Alors il remplit les notes de son smartphone, accumule les types beats, et affine petit à petit son style. Sa rencontre avec Bonetrips le conforte dans son envie d’avancer : « J’ai choisi soigneusement les titres que j’avais maquettés, et je lui ai envoyés. » Bingo. Ses maquettes plaisent, il commence à s’entourer et à bosser avec des beatmakers, qui lui envoient des prods et l’accompagnent dans son travail.
« J’ai eu de la chance. D’ailleurs, c’est le personnage de LVCKY : un type qui est presque chanceux, qui a tout pour réussir et à qui il va arriver des couilles. »
S’entourer comme il faut sans être faux ⭕️
C’est un truc qui lui tient à cœur : être bien entouré et travailler avec des gens de confiance. Que ce soit pour ses sons, pour ses clips (comme Grand gamin réalisé par Alex Mameli), pour la pochette de son projet (avec Jim Lasouille de Rue d’Algérie), il bosse avec des gens dont il apprécie le travail, et vice-versa. Pas question de gratter !
« Je veux créer une sorte de cercle vertueux. On croit au projet, on se casse le cul, et si on n’aime pas, on se le dit. En fait, tu crées un cercle vertueux de gens qui te font confiance. […] Et c’est ça aussi que je veux apporter dans ce que je fais : il y a un côté impertinent, mais bienveillant. »
Ce qui prime, c’est de s’apprécier, de créer du lien et du respect tout en étant sérieux et responsable. Comme s’il ne voulait pas vivre dans un monde de requins. Comme s’il voulait conserver son côté grand gamin. C’est le thème qu’il explore dans son dernier clip, qui questionne sur l’immaturité que l’on peut reprocher à certains jeunes adultes qui ne rentrent pas dans toutes les cases. Une insouciance à laquelle il tient !
« Déjà, je pense que c’est bien d’être naïf parfois. Et il faut surtout laisser de la place à l’émerveillement dans sa vie ! [..] Je me laisse le droit à l’émerveillement. Je crois que c’est ça, un grand gamin. Quelqu’un qui se laisse le droit de kiffer devant un film, devant un jeu vidéo, à 30 piges, qui peut passer une soirée à se faire tarter à Fifa avec ses potes, et être responsable. »
Du rap qui fait kiffer 🎤
Le rap de LVCKY est accessible à tous. Il ne s’agit pas de parler de trucs sombres, de gros calibres, de grosses voitures. Son truc, c’est plutôt de prendre des sujets communs, universels, et d’en faire des histoires agréables à écouter. De prendre des choses qui nous ont tous touchés, de près ou de loin, et de poser sur elles un regard dérisoire.
« Il y a de la place pour tous les types de rap. […] J’aime bien reprendre des sujets communs, mais qui ne sont pas forcément trop adressés dans le rap, et essayer de trouver des phases qui font planer. Je veux apporter un peu de couleurs dans ce que je fais, un peu de groove. […] Je veux que les gens qui m’écoutent passent un bon moment, se détendent. C’est aussi pour ça que je suis très imagé dans ma façon de rapper. »
Des sujets traités avec fun, avec des refrains pensés pour être retenus (c’est son côté hip-pop !). Mais derrière cette légèreté, il y a une approche assez mathématique. C’est pensé, posé, calculé.
« C’est vrai que j’ai un côté conteur, et c’est aussi pour ça que je scénarise mes sons. Quand j’écris une thématique, je ne fais pas forcément thèse – antithèse – synthèse, mais je sais où je vais, et les cases par lesquelles je vais passer pour que ce soit audible. Je suis très mathématique dans ma manière d’aborder le rap en général. […] J’aime aussi réfléchir à “est-ce des gens vont se retrouver dans ce que j’écris”. Est-ce que ça peut leur parler. »
Car oui, au-delà de faire des textes et des histoires qui tiennent la route, il tient à ce que ce soit clair et compréhensible dès la première écoute : « Je m’applique dans ma façon de rapper à ce qu’on comprenne quasiment instantanément les paroles. Avoir ce flow cadencé, ça m’aide à avoir une bonne diction et à me faire comprendre directement. »
LVCKY trace sa route sans prétention et sans jouer le jeu de la surproduction.
Sensible aux retours qu’il peut avoir, il reste à la fois près et loin des réseaux. Son projet, en cours de finalisation et de mastering, sera bientôt sorti du four. En attendant, il reste discret et, surtout, continue à kiffer. Fidèle à son approche mathématique, il prend le temps de faire les choses, et de les faire bien.
« Se forcer, ce n’est pas bon non plus. Au bout d’un moment tu vas exploser en route, ne même plus savoir pourquoi tu fais ça. Après, ça dépend aussi de ce que tu veux faire. Est-ce que tu veux faire des textes marquants, ou juste dire que tu es là ? […] J’me suis pas dit qu’un jour, je péterais. J’pense que c’est une erreur de penser ça, je pense qu’il faut déjà rapper pour le plaisir de le faire. Si ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas, tant pis. »
Avec l’équipe de Sainte Fortune (Bonetrips, Chicho, et Tcheep) et des sessions au studio Polycarpe, LVCKY peaufine son projet, ses histoires, sa dérision. Il prends le temps, mais il a des raisons : rendez-vous dans quelques mois pour écouter un grand gamin, mais surtout un conteur avec pas mal de bonnes rimes au compteur !