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Mademoiselle Do – La danse est belle, mais la danse est dense

Danser, ce n’est pas seulement “faire du beau”. C’est un art, un sport, mais aussi un moyen d’expression. Danser, c’est aussi être soi, mieux se comprendre, pour mieux s’ouvrir aux autres et au monde. Dominique, aka Mademoiselle Do, est danseuse pro. De house, mais pas que. Sa danse, construite grâce à ses rencontres et ses racines, lui ressemble et rassemble !

À la rencontre de la danse, pas à pas 💃🏽

Née en Côte d’Ivoire, d’origine Congolaise, Dominique a débarqué en France à 7 ans pour fuir les conflits avec ses parents. C’est en France qu’elle a fait ses premiers pas (sans mauvais jeu de mot) dans la danse. À l’école primaire, elle était du genre à passer ses récrés à danser, à imposer des chorégraphies à ses copines. Au fil des déplacements en France, c’est surtout dans sa chambre qu’elle bossait, en multipliant les pas et les montages vidéos sur Windows Movie Maker.

Mais ça, c’était jusqu’à ce qu’elle tombe sur un street show et qu’on l’invite à venir s’entraîner à l’Opéra, là où les danseurs de Lyon, tous styles confondus, se réunissaient. Les yeux écarquillés, elle passe des heures à observer… avant de faire la rencontre qui changera la donne.

« J’étais très très timide. Donc je n’osais pas demander. Je restais là, plantée, à regarder pendant des heures. Je revenais tous les jours. J’étais fascinée, mais je ne savais pas comment entrer dans cet univers-là. […] Un jour, Carolynn (aka Lynn Diva) était en train de s’entraîner seule dans son coin. Et elle est venue me voir pour me demander si j’avais des écouteurs, car les siens l’avaient lâchée. Elle s’entraînait vraiment dur, dans sa bulle. Elle m’a proposé de me montrer des trucs… Et j’ai dit oui. »

S’en sont suivis deux semaines pleines où, tous les jours, Do apprenait des pas avec Lynn et découvrait la house. Depuis… elle ne s’est jamais arrêtée. 

Ça ne l’a pas empêchée de poursuivre ses études d’ingénieures en chimie, sans doute influencée par le cadre scolaire qu’on lui avait inculqué, avec un vrai projet : créer sa marque de cosmétique. Sauf qu’à la fin… c’est la danse qui gagne.

Tout juste sortie d’études, elle postule à une audition pour une compagnie en quête de houseuses. Elle est présélectionnée, monte à Paris, et signe son premier contrat : elle rejoint la Compagnie Paradox-Sal, découvre les résidences, les prestations… et va jusqu’en Allemagne pour faire sa première date. C’est le déclic. Depuis, et malgré la crise du Covid qui lui a permis de tester un boulot “normal”, il n’y a plus de doute possible.

« Je sais que la danse, c’est la voie dans laquelle je peux être qui j’ai envie d’être, me développer et toucher les personnes d’une certaine manière. J’utilise la danse comme un véhicule, plus que comme une fin. C’est vraiment quelque chose qui a beaucoup changé ma vie, qui je suis, et ma manière de voir le monde. Ce véhicule est fort, parfois plus que parler. Par le mouvement, par la danse, il y a des choses qui s’expriment qui vont au-delà d’autres moyens. »

Danser, se mettre à découvert… et se découvrir 👀

Si la danse est si importante pour Dominique, c’est parce qu’elle l’a aidée à se construire et à se connaître. La première chose que la danse a changé chez elle, c’est l’ouverture d’esprit. La danse et les voyages l’ont ouverte sur le monde, lui ont appris à se débrouiller, à trouver sa voie et à aller à la rencontre des autres.

« À l’école, il fallait avoir de bonnes notes, un bon salaire, une famille, etc. Pour beaucoup de gens, c’était soit cette voie-là, soit rien. […] Si je voulais faire un battle en Italie, il fallait que je gagne des sous, que je prenne des billets, un hôtel, que je m’organise… ça m’a rendue très autonome et ça m’a ouverte à plein de choses ! »

La house reste sa langue maternelle, mais d’autres styles sont arrivés assez naturellement pour enrichir son vocabulaire. Notamment les influences africaines, avec des sonorités qu’elle écoutait petite et qui résonnent en elle. Petit à petit, elle s’intéresse aux danseurs qui mélangent les genres et se questionne sur sa propre identité. La house est belle, la house est esthétique, mais il lui manque encore quelque chose… un côté “brut”.

Quand elle découvre l’afrohouse et Selma Mylène, danseuse à Lisbonne, c’est le coup de cœur. Elle prend ses billets et part à sa rencontre pour apprendre auprès d’elle. Quelques temps plus tard, elle récidive à Londres avec un danseur angolais. Bref, elle fait son bonhomme de chemin, enrichit son vocabulaire et trouve son mélange.

La (confi)danse, un vrai moyen d’expression 💬

Loin de se satisfaire de l’esthétique, la recherche de Do est avant tout dans l’expression. Le besoin de s’enrichir de plusieurs styles vient aussi de là : elle a besoin de pouvoir dire tout ce qu’elle a à dire, pleinement. Et pour ça, il faut parfois savoir lâcher du lest, ne pas chercher à vouloir faire bien à tout prix.

« Je viens d’une famille assez timide, pudique, où on a du mal à s’exprimer. On fait, on fait bien, et c’est tout. La danse m’a permis de comprendre que tu n’avais pas forcément besoin de bien faire pour faire de la valeur. […] Danser, c’est une mise à nue ! Il n’y a rien de plus exposant. Ça demande plusieurs étapes, mais plus tu te sens à l’aise, plus tu peux dire ce que tu as à dire. »

Et c’est vrai que quand tu as déjà du mal à t’exprimer librement, danser peut sembler complexe. Mais ça peut aussi être une étape précieuse pour se découvrir, se libérer, être honnête avec soi-même puis avec les autres.

« Il faut aussi se souvenir que tu danses pour toi, et pas pour les autres. Avec les réseaux, on est dans une génération où les gens dansent beaucoup pour les autres. Alors que la danse, c’est de l’art, et rien n’est bien, rien n’est pas bien ! Il faut juste faire. Tu vas trouver quelque chose qui va te plaire, et ça fera ton bien. […] Parce qu’au final, le bien, ça n’existe pas. Tout est subjectif. »

Enseigne sans que les racines en saignent 🌱

Aujourd’hui, Mademoiselle Do est intermittente et travaille avec la compagnie Paradox-Sal d’Ousmane Sy, mais aussi la Compagnie par Terre, et donne des cours hebdomadaires. Dans l’enseignement, le format qu’elle préfère reste les week-ends intensifs, sur deux jours, avec 4h par jour. Un format qui permet de travailler de manière intensive, et de se pousser dans ses retranchements.

« Cela laisse aussi beaucoup de temps pour communiquer. Parce que ça passe aussi par le fait de se dire les choses, à soi-même et aux autres. Ce sont des temps où j’essaie de pousser les autres, comme j’ai été poussée, dans leurs retranchements, pour sortir de l’esthétique. C’est ça, mon but : pousser les gens à l’expression à travers la danse. J’ai moi-même eu des problèmes d’expression. Et s’exprimer, c’est juste être soi dans la société. Quand t’arrives à le faire, beaucoup de choses se règlent toutes seules. »

Alors que les danses se répandent, Do met un point d’honneur à ne pas oublier leurs racines, leurs origines. Car chaque danse est riche d’histoire et de culture. Et les pionniers sont les mieux placés pour former et tout raconter. Entre eux et nous, le décalage est immense !

« Il faut avoir une posture d’humilité. Évidemment, c’est intéressant de transmettre. Mais il faut préserver le truc, ne pas oublier les cultures qui en sont à l’origine ! Ici, tout est concentré, tout va plus vite, tout est plus simple. Un cours sera blindé, alors que là-bas, ils sont toujours en train de galérer. Quand tu te souviens de ça, déjà tu abordes l’art et la danse différemment. Et tu transmets d’une autre manière. Culturellement, rien ne nous appartient. »

Do continue donc de danser et de transmettre sans oublier d’où elle vient, et d’où vient tout ce qu’elle partage. Ses mouv’ peuvent être difficile à suivre, mais vous pouvez la suivre facilement sur les réseaux, avec ses compagnies ou lors d’événements. Et ne vous arrêtez pas à l’esthétique. Pour reprendre ses mots, n’oubliez pas que danser est lourd de sens… et lourd d’essence !