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Omarker – De l’art abstrait pour déchiffrer des lettres

Pour créer, il faut parfois savoir laisser place à l’instinct et à l’accident. Même si ça peut aussi passer par une approche mécanique, presque mathématique, qui permet de se libérer et de donner vie à l’imprévu. Julien, aka Omarker, est artiste, peintre et tatoueur. Passionné de typographie, il travaille les lettres et le bois (entre autres !) en associant savamment des lignes calculées et des formes accidentelles. Résultat : de l’abstraction dans l’art, et des œuvres aussi “street” que design qui ont de quoi retenir le regard !

Du lettrage au tatouage pour vivre l’instinct présent 🎨

Bercé par la culture hip-hop, c’est vers ses 15 ans que Julien a commencé à graffer. C’est là qu’il apprend à manier la bombe et, surtout, qu’il devient accro aux lettres. Ses week-ends, il les passe avec son crew à décorer les murs, jusqu’à ce qu’il se mette à faire des affiches et à travailler des typos pour des assos. Une passion qui le mène vers des études de design graphique et le lancement d’un studio.

Sauf qu’assez vite, sa créativité et son besoin de liberté le rattrapent. Ce qu’il veut, c’est développer sa patte, imaginer des trucs et trouver son identité, plutôt que de répondre à des commandes clients. Alors il continue à créer des polices de caractères et poursuit ses recherches typographiques, en se servant de ses deux backgrounds : celui de graffeur et celui de designer graphique.

« La lettre, c’est une image en tant que telle. […] Dans mon travail, il y a beaucoup de lettrage à la base. Je travaille à partir d’une grille très stricte, et je viens jouer avec, en créant du mouvement, des espaces, en jouant avec le visible, le non visible. Je viens fragmenter la composition. Et ce sont des choses que j’ai apprises en design graphique. Et après il y a l’utilisation de la spray, de ramener des vapeurs, qui viennent plutôt du graffiti. Naturellement, j’en suis venu à ça. »

Omarker trouve petit à petit son identité. Il se lance en free et ça porte ses fruits : aujourd’hui, il travaille sur des projets qui lui correspondent, avec différentes structures, des galeries et des assos comme Atelier Anamorphose, qui accompagne des jeunes en situation de handicap. 

Il partage son temps entre la peinture et le tatouage, en tant que résident à la Cité des halles et dans un shop. De quoi varier les plaisirs et s’adonner à ses deux passions, en se laissant guider par ses intuitions.

« C’est un peu la continuité d’un parcours. La découverte du graffiti m’a menée au design graphique, qui m’a mené à mélanger les deux, puis à aller au tattoo. Je peins sur le bois, des murs, la peau, et plein de supports différents. Et ça, ça m’intéresse aussi. Comment véhiculer l’art, ton univers, à travers différents supports. »

Sa seule ambition ? Continuer à kiffer et à créer des œuvres parlantes. « Si tu arrives à créer une émotion, à transporter les gens dans ton univers, c’est déjà gagné. Il n’y a pas de limites, il faut casser un peu les frontières, et ne pas rester dans son coin ! »

L’art de construire pour déconstruire 🧩

La patte de Omarker est à la fois mathématique… et à la fois très organique. Son truc, c’est de construire pour mieux déconstruire. Il continue à s’appuyer sur les lettres, à poser une grille et des éléments rigoureux avant de les fragmenter et de s’exprimer pleinement. 

« J’ai établi un processus où une fois que j’ai fait ma grille et que j’ai posé les éléments qui m’intéressent, qui sont très strictes, très mécaniques, je peux venir m’amuser avec ce qui est beaucoup plus organique, des effets etc., qui vont venir contrebalancer. […] Je viens construire au départ, pour déconstruire ensuite. »

C’est cette méthode qui lui permet de créer librement, de tester et de parvenir au résultat escompté : des œuvres faites de lignes, de lettres, et de formes abstraites. Un savant mélange qui vient en partie de la liberté qu’il se donne. Car s’il le peut, il évite de se brider : les maquettes, c’est seulement si nécessaire !

« J’aime bien arriver de la page blanche. Mais c’est aussi le vice, parce qu’il faut savoir s’arrêter. Parfois, tu vas trop loin. Mais l’échec fait partie du truc aussi. Et au pire, c’est pas grave. Et ce n’est jamais un échec, parce que ça sert toujours à quelque chose. Mais oui, il y a beaucoup d’instinct ! […] Tu découvres tout au long. Même aujourd’hui, y’a rien d’acquis. T’apprends tous les jours. » 

C’est aussi pour faire parler cette liberté qu’il a laissé de côté la toile. Le bois lui permet de jouer avec son support, de varier les formats, et d’aller plus loin dans la création. Une fois la grille posée, tout peut arriver !

« Tu peux faire le format que tu veux. Tu prends juste ton matériel et tu découpes. La toile, c’est ultra souple. Avec le bois, je peux mettre des coups de cutter, découper des éléments… C’est plus simple pour moi à travailler, de par mes techniques. C’est une question de format, et une question de technique. […] Je travaille beaucoup au scotch. Je viens mettre des morceaux dessus, redessiner, découper des éléments au cutter… »

Même délire avec les couleurs. On reconnaît ses bleus verts, ses verts qui tirent vers le bleu, qui contrastent avec le orange et le pêche. Des couleurs avec lesquelles il aime jouer, qui lui permettent encore une fois d’avoir une base solide pour développer sa liberté de composition. 

Continuer à expérimenter pour récolter les fruits de sa passion 🖼

Entre les lettres, les coups de sprays et de cutter, sa patte est reconnaissable. C’est le fruit d’années à suivre son instinct, mais aussi de beaucoup de travail. Julien continue à se challenger, toujours aussi passionné, en trouvant du sens dans tout ce qu’il fait. « C’est une passion, c’est très instinctif. […] Pour moi, c’est pas vraiment taffer non plus. Si j’ai envie de dessiner, je dessine. Ou je peins. Du coup, pour moi ce n’est pas vraiment du travail. »

Petit à petit, il lie son art de la peinture à celui du tatouage, qu’il a appris en autodidacte et grâce à des potes. Là encore, il joue avec le mécanique et l’organique, notamment autour des fleurs : « Dans le tattoo, je travaille pas mal sur le floral abstrait. L’aspect floral me ramène le truc très organique, le mouvement. Et je remplace par exemple les fleurs par un fragment de ma composition. Je peux jouer avec ça. » 

À côté de ça, il se laisse guider par sa curiosité et n’hésite pas à se lancer de nouveaux défis. L’un de ses kiffs, c’est de monter des gros projets de A à Z. Le “petit” dernier, Trajectoire Brute, en est un bel exemple ! Un projet d’expo-défilé mené avec Hongora, Styliste Modéliste, et la réalisation de pièces uniques en toile de coton brut. « C’était un travail de malade. Il n’y avait pas de week-end, pas de temps de pause, c’était 8h-2h du matin tous les jours. »

Un gros chantier, sachant que les pièces textiles ne sont qu’une partie immergée de l’iceberg. À côté de ça, il a fallu réunir du monde (modèles, photographes, vidéastes, DJ…), gérer la DA, les shootings, la communication… Le tout avec un timing très serré. L’occasion pour Omarker de sortir de sa zone de confort et de tester de nouvelles choses : « La spray, ce n’était pas possible pour cette collection. Donc je me suis mis à l’aéro, et ça m’a fait découvrir plein de choses ! »

Vous l’aurez compris : Omarker n’a pas fini de tester, de se découvrir et de créer. C’est d’ailleurs le conseil qu’il donnerait à quiconque voudrait se lancer et vivre de son art.

« De toute façon, il n’y a qu’en faisant qu’on arrive à trouver dans quelle direction on va, son identité artistique. Il faut aller rencontrer du monde, ne pas avoir peur d’écrire à des gens, de poser des questions, de faire, de pratiquer et d’y aller. De croire en soi. Je pense qu’on a tous une part artistique. Et au-delà de l’art, si t’as envie de faire un truc, fais-le. Personne ne va t’attendre. Personne ne va aller te chercher. Donc il faut se donner les moyens et beaucoup travailler. »

Après avoir pris du recul sur l’énorme projet d’expo-défilé, une nouvelle fresque en collab devrait voir le jour en septembre. En attendant, il continue de créer et de tatouer dès que l’occasion se présente. À l’heure qu’il est, il est sans doute en train de poser une grille, ou de travailler du bois pour une nouvelle œuvre. À moins qu’il ne soit en train d’aménager son van… Un truc est sûr : il n’a pas fini d’explorer, de faire parler ses bombes et de nous embarquer dans son univers !