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Jim (Rue d’Algérie) – La rue très portrait

Il y a ceux qui passent dans la rue sans la regarder en face, et ceux qui profitent de ce qu’elle a à leur offrir. Et oui, elle a beaucoup à donner quand on prend le temps de s’y attarder. La rue, c’est le lieu qui nous appartient tous, où l’on se croise, où l’on échange, où l’on se rencontre. Un lieu où l’humain est ce qu’il est et où règne l’authenticité. C’est cette dernière que Jim, photographe, capture au quotidien. Les jaloux diront que la rue n’est faite que de clichés… mais la rue, c’est d’abord la vie et la mixité ! 

Une passion et des photos authentiques 📸

Passionné par la photo depuis longtemps, Jim s’est cherché pendant des années avant de franchir le cap d’en faire son métier. Pas forcément facile de prendre conscience que ça peut être un taf à plein temps, d’autant plus quand on se forme en autodidacte – en pratiquant, en côtoyant des photographes, en ponçant des vidéos YouTube et des bouquins. Mais ce n’est pas pour autant que l’on n’est pas légitime.

 « J’ai toujours aimé la photo, mais je l’ai toujours vue comme une passion. Le retour des gens m’a fait prendre conscience. […] J’ai toujours eu un complexe de l’imposteur, comme beaucoup d’artistes en auto-entrepreneur ou en freelance, mais j’aime trop. J’ai mis du temps à trouver que c’était mon truc, maintenant que je l’ai, je ne le lâche pas. »

Avant ça, Jim a quand même toujours tourné autour de l’image. Un BTS graphisme lui a appris la bonne maîtrise des logiciels, même s’il est du genre à les utiliser le moins possible pour que ses photos restent authentiques. « Il n’y a jamais trop d’édit, jamais trop de retouches. Il y a ce dénominateur commun entre les projets. »

Et finalement, le travail finit par payer. Même si c’est plus dur d’être reconnu quand tu n’es pas dans les tendances, son taf a fini par attirer de belles enseignes (Carhartt, Lacoste…), qui lui confient des projets en lui laissant carte blanche. Les photos sont quali et les retours aussi, mais attention : pas question de travailler avec n’importe qui. Derrière ses photos, il y a des relations humaines, et c’est ça qui prime. Être indépendant, c’est aussi avoir cette liberté-là ! 

« Tu rencontres beaucoup de gens qui ne sont là que pour l’oseille. Là, je sais que les gens avec qui j’ai des contrats réguliers, c’est des gens avec qui on s’est entendus humainement d’abord. Et ça, moi, c’est ma ligne directrice. Un rapport entre les personnes, les humains, qui est sain. »

Jamais dans la tendance, mais toujours dans la bonne direction 🥷

À côté des commandes qu’il peut avoir, Jim arpente les rues toujours à l’affût, prêt à faire sa meilleure photo : celle qu’il n’a pas encore faite, comme le dirait Joel Meyerowitz. Il capte des instants. Un grand-père posé sur son banc. Un coin de bâtiment animé par l’ombre d’un volet. Des scènes, des moments qu’il stocke précieusement et qu’il partage parfois. Sans prétention. Juste la passion.  

« La raison, elle reste la même. C’est juste la passion de faire des photos. Je pense que je suis un drogué de ça. Je ne me force jamais. […] Je ne fais pas tout pour que ce soit vu. Je fais plein de photos parce que je suis un drogué de photo, j’aime trop. »

Comme un voleur d’image (pour reprendre les mots de Eliott Erwitt), Jim veut des moments vrais. Des instants qui transpirent l’humain, la rue, le réel, et qu’il retouchera le moins possible. D’ailleurs, pas besoin de courir après un matos de dingue pour faire de beaux clichés !

« Tu peux faire une putain de photo avec un Kodak jetable que tu as acheté au tabac 9 balles. Si tu l’as prise au bon moment, que c’est la bonne scène… Pour moi c’est ce qui prime, avant la qualité, la colorimétrie, la définition… Juste qu’est-ce que tu as vu, et qu’est-ce que tu as figé. […] Le but, c’est de ne pas être vu quand je prends la photo, pour rien dénaturer. D’arriver à choper le moment critique, le moment où tu peux comprendre, voir ou capter quelque chose. » 

De l’humain et du réel, authentique et honnête : ça a toujours été les mots d’ordre de Jim, et ça le restera. Ses photos ne sont pas les plus colorées, les plus vives pour plaire à la majorité sur Insta. Ce n’est pas le but. Pas question de retourner sa veste, de chercher à suivre certaines tendances, certains mouvements, de faire la course aux likes ou à la visibilité. Ça sonnerait faux. 

« Je trouve qu’on va dans un truc qui est un peu dans l’appauvrissement de beaucoup de choses. Dans la musique, dans la culture en général, même dans la politique… On est un peu régis par beaucoup de tendances, justifiées ou non. C’est aussi pour ça que j’aime tant le projet Rue d’Algérie : il ne suit aucune tendance, il est très authentique, et je ne peux pas sortir de cette ligne-là. Tu ne peux pas tricher. […] La visibilité, je trouve que ça biaise beaucoup de choses. »

Rue d’Algérie : une fresque de la diversité humaine ✊🏻✊🏼✊🏽✊🏾✊🏿

Ce projet Rue d’Algérie, c’est un projet collectif. Des portraits de lyonnaises et lyonnais qui viennent tenter l’expérience du portrait pour bâtir, ensemble, une véritable fresque. Ça a commencé dans la rue du même nom, alors que Jim y travaillait. C’est au début du confinement que lui est venue l’idée de photographier des gens, en noir et blanc, à l’heure où la liberté s’effaçait et où la mixité sociale n’avait plus l’occasion de s’exprimer.

Ça a démarré avec les portraits de 5-6 potes. Un jour, il se décide à les sortir et les poste sur un compte qu’il nomme « Rue d’Algérie », sans voir plus loin que ça. Les personnes concernées ont relayé, leurs potes ont vu, ont voulu faire leur portrait… et ainsi de suite. 

Pas mal de commerçants de la rue sont aussi passés devant son objectif, et devant la vieille porte en bois de la rue. C’est notamment le cas de Markus, le bouquiniste de 80 balais. Et puis il y a eu des banquiers, des étudiants, des lascars, des… de tout, en fait. La rue d’Algérie met en avant la diversité, la richesse de la ville et de ses habitants. D’ailleurs, le nom de la rue est déjà un message important !

« Ça a vraiment fait boule de neige. Aujourd’hui, on est à 650 portraits à peu près. Le jour où il n’y a plus personne qui ne veut faire de portrait, le projet n’existe plus. C’est eux qui font la comm’, c’est eux qui en parlent, c’est eux qui relaient leur portrait… […] Sans que ce soit calculé, tout se goupille très bien. Parce que même la rue est ouverte à tous. Les portraits sont faits dans la rue, il n’y a pas de lumière artificielle, donc c’est ouvert à tout le monde, tous les gens qui passent. C’est le but du truc. »

Depuis, Jim ne fait qu’accompagner le projet, avec son appareil et son œil. Ce sont les gens qui le portent, qui le font vivre. Il n’y a aucune sélection, aucun filtre, et c’est important : le projet est ouvert à tous. Les portraits que vous voyez, ce sont simplement des gens qui ont entendu parler du projet et ont fait le choix de le rejoindre. C’est aussi simple que ça.

Rue d’Algérie réunit des humains dans toute leur diversité, dont l’humanité est sublimée par les portraits, qui donnent un max de puissance à leurs regards et à leurs expressions. Le signe 69 fait avec les mains est aussi devenu indissociable de chaque portrait, comme un symbole fort de l’appartenance à Lyon et du passage dans le projet.

« Le noir et blanc a cette signification de la diversité, et le fait que ça lisse vachement les projets entre eux. Les likes sont masqués, c’est du noir et blanc, donc il n’y a pas de comparaison. Tu vas directement dans la personne, dans le regard et ce qu’elle dégage. Tu n’es pas diverti par les couleurs de son t-shirt. Et il y a des blancs, des noirs, des reubeus, des asiats… Je trouve que tout allait dans le sens qu’il fallait que ce projet soit fait en noir et blanc. Ça renvoie ce truc de mixité, sans être perturbé par d’autres marqueurs. »

Petit à petit, le bouche-à-oreille a fait son bonhomme de chemin. Grâce au compte Insta et à des collages, les demandes de portrait se sont décuplées. Mais l’idée n’est pas d’en faire un business, simplement de faire vivre le projet, la rue et sa liberté. Le projet reste simple et authentique, et n’a pas vocation à devenir une plateforme de relai, de communication, ou de mise en avant. Tout ce qu’il prône, c’est l’ouverture, l’humilité, la paix.

« Le but, c’est que ça représente juste Lyon, dans sa diversité. Et par extrapolation, la France. C’est ouvert à tout le monde. Tous ceux qui ont envie de participer peuvent participer. La seule limite, notamment pour le côté intergénérationnel, c’est le fait que ça n’existe que sur Instagram. Sinon, il n’y a pas de limites. Juste un projet de gens vivant à Lyon. Punk, tatoueur, rappeur, lascar, jeunes ou vieux… on s’en tape, tu vois. Juste c’est notre ville, et c’est comme ça ! »

Le projet filtre tout seul, et n’attire que des gens ouverts, vrais, qui partagent des valeurs communes. La preuve ? Quand Jim a sorti un maillot pour soutenir la Palestine, le compte n’a perdu aucun abonné. Ah oui, car au-delà des portraits, Jim a sorti un fanzine, des casquettes, des maillots, et organisé quelques événements, notamment des collages. Une autre manière de rassembler et de véhiculer des valeurs.

« C’est plutôt des petits trucs, des petits événements, et c’est plus une façon de remercier les gens qui participent au truc et de fêter l’existence de ce projet. Et puis c’est aussi une façon de le faire connaître, et de le rendre à la rue. »

Un projet de collage, plus central, est dans les tuyaux avec le soutien du collectif de JR, Inside Out. Il paraît qu’un nouveau fanzine serait aussi en cours d’écriture pour vous plonger dans les coulisses du projet. La rue n’a rien à cacher ! Avec pas loin de 700 portraits au compteur, depuis 4 ans, l’aventure collective a déjà pris une sacrée ampleur. Mais elle ne fait que commencer : la rue n’a pas fini de vivre et de nous faire vibrer.

Si vous voulez vous joindre au projet, vous êtes évidemment toutes et tous les bienvenu(e)s !