La musique, tout le monde l’écoute… pendant que certaines personnes passent un temps fou à l’étudier et déchiffrer des partitions à répétition. Sibylle faisait partie de celles-ci. Tombée dans la marmite toute petite, elle a baigné dans le monde des conservatoires. Un monde très cadré, normé, scolaire. Quelques années plus tard, la musique est toujours aussi importante dans sa vie… mais d’une autre façon. Depuis 3 ans, elle écrit et chante ses chansons, en fuyant la pression pour trouver plus de liberté.
Grandir dans la musique sans fausse note 🎶
Née dans une famille de musiciens, Sibylle a commencé la musique tôt. Très tôt. À 4 ans déjà, elle étudie le violoncelle au conservatoire de Lyon. Autour de 6-7 ans, elle passe une audition pour entrer en classe aménagée (l’équivalent de Sport-étude) au conservatoire, et une autre pour la Maîtrise de l’Opéra. Les deux portes s’ouvrent à elle et elle finit par faire le choix, loin d’être simple, du conservatoire. Elle y reste jusqu’à ses 14 ans, profitant d’une éducation musicale riche mais aussi très écrite, scolaire.
C’est là que, poussée par le besoin de sortir de ce cadre, elle découvre d’autres cultures… et notamment le rap. Fascinée par des groupes comme NTM ou A Tribe Called Quest, elle y retrouve l’énergie qu’elle aime et des genres musicaux en pagaille. N’en déplaise à certains, de simples samples sont aussi de vraies mines d’or…
Les années passent, et la musique la suit toujours de près. À 18 ans, poussée vers un diplôme par ses parents, elle se lance en fac de musicologie. L’apprentissage continue, mais le cadre reste : dans cet environnement, laisser libre cours à sa créativité reste complexe.
« Je me souviens d’un cours sur les chansons. Dès que je pouvais faire mes trucs, j’essayais. Et je me faisais défoncer. Parce que ça ne correspondait pas à leur cadre. […] Mais je ne me disais pas que ce n’était pas pour moi. Je me disais “bon, il va falloir que je travaille plus pour aller dans leur cadre”. »
Elle finit sa licence à Paris, en faisant du Gospel puis en prenant des cours de Jazz. Après avoir fait les économies nécessaires, elle s’offre aussi un cours de chant Soul à l’ATLA, l’École des Musiques Actuelles de Paris. Vous l’aurez compris : la musique a toujours fait partie de sa vie. Elle l’a étudiée, sous de nombreuses formes… mais sans trop se trouver.
« Ça fait seulement 3-4 ans que je me suis dit qu’il fallait que j’arrête les institutions. Il faut que je trouve mon propre chemin. »
Partager sa musique ne se fait pas toujours en un clic 🎤
C’est autour de 16 ans que Sibylle commence à partager son art. À l’époque de Skyblog et de Myspace, qui permettent de mettre en ligne des sons sans trop s’exposer. Elle y partage surtout des chansons reprises à sa guise. Elle chante dès qu’elle peut, mais l’écriture reste au second plan.
« Je me suis toujours dit au fond de moi que j’avais envie, mais ça a été un long processus. À 14 ans, j’ai commencé à écrire, mais ça ne me venait pas à l’idée de le partager. Par contre, tous les moyens que j’avais pour chanter, je les saisissais ! Mais je ne chantais pas ce que j’avais écrit. »
De retour à Lyon après son passage à Paris, elle découvre une soif d’écrire. Elle s’invite aux cours d’écriture de À Thou Bout D’Chant, avec Noémie Brigant, et participe au Tremplin Découverte : une scène dédiée à la découverte de nouveaux talents. Seule avec ses chansons et sa guitare, elle va jusqu’en finale, obtenant même le prix du public.
Ce concert lui donne envie de continuer et de trouver son truc à elle. « J’aimerais bien construire ma propre manière de faire ma musique. Trouver des endroits insolites et y faire des concerts, par exemple… »
Sibylle continue à écrire et à créer occasionnellement, en multipliant les boulots – des cours de chant, des cours de piano, des jobs alimentaires –, en prenant des temps de pause et en publiant régulièrement des reprises ou des chansons.
La pression et les questions sur la partition 🤯
Si toutes ses années d’étude de la musique lui ont permis d’avoir de solides connaissances, elle lui ont aussi inculqué une rigueur forte. Peut-être trop. Car quand on a l’habitude d’avoir la pression, d’être obligée d’avoir d’excellentes notes (sans mauvais jeu de mot), de tout faire “parfait”, il peut être difficile ensuite de lâcher prise et de s’oublier pour simplement créer.
Publier sur les réseaux, même un court extrait, n’est pas toujours si simple que ça en a l’air. « C’est dur avec les réseaux. Un message écrit, ce n’est pas la vraie vie, c’est très succinct. Le ratio entre ce que ça me coûte de mettre sur les réseaux le bout d’un truc hyper intime, et ce qu’il y a en retour, ce n’est quand même pas facile ».
Quand Sibylle partage, c’est souvent par fulgurance. Ou alors il faut que ce soit soigneusement travaillé, à la limite de la perfection. Car même si elle a pris ses distances avec les institutions, la pression reste.
« Je me demande beaucoup pourquoi je me mets cette pression là, pourquoi je partage, et pourquoi je veux montrer tout ça. Parfois, je ne crée pas parce que je me mets déjà la pression du fait de devoir le montrer. […] Ouais, je suis hyper perfectionniste, mais je travaille dessus pour l’être un peu moins. Comment ? Je fais beaucoup de thérapies. Et ça m’aide beaucoup. […] Il faut accepter son rythme aussi. J’ai moyen de m’exprimer par plein de moyens, sans forcément le montrer, et quand je serai prête je le montrerai. »
Prendre le temps d’être libre 🪶
Aujourd’hui encore, Sibylle peut avoir un sentiment de culpabilité quand elle ne crée pas assez. Alors quand elle n’a pas la tête à la création, elle prend du temps pour elle, pour se promener, danser, s’inspirer et faire de nouvelles rencontres. Elle prend le temps de vivre, en fait. Tout en travaillant sur les réflexions qui peuvent l’empêcher d’avancer.
La danse lui permet de se défaire de nombreuses émotions, les thérapies l’aident à se comprendre, et l’écriture lui apporte un exutoire.
« Mes textes, c’est le seul endroit où je me livre complètement. C’est pour ça que ce n’est pas toujours facile de les montrer. C’est hyper intime. Les chansons, c’est le seul endroit où je vais chercher ce que je ressens vraiment. […] Ça m’aide et ça me permet de mettre de la distance avec les pensées. »
Quand elle fait de la musique, elle fait en sorte que ce soit le plaisir qui prenne le dessus. Pas questions de suivre des codes particuliers, des règles écrites noires sur blanc. Ça, c’était avant.
« J’essaie d’être le plus libre possible, que ce soit pas trop scolaire. Je déteste les structures de chansons. J’essaie de lâcher. J’ai appris la guitare toute seule, en m’interdisant de prendre des cours. J’essaie de trouver plus de liberté, d’identifier les moments où je me mets la pression, et ceux où j’arrive à ne pas me la mettre. »
En quête de liberté, Sibylle puise ses forces dans la solitude, les rencontres et la danse pour continuer à se découvrir et trouver ce qui la fait vibrer sans se laisser influencer. En créant seulement quand l’envie lui chante.
Il y a quelques semaines, elle faisait la première partie de Lwada sur la scène de À Thou Bout D’Chant. Un concert réussi en guitare voix, qui lui rappelle qu’elle en est capable et que les oreilles sont loin d’être insensibles à ses chansons. Sans doute en train de se ressourcer et de danser à l’heure qu’il est, vous pouvez tendre l’oreille en attendant qu’un prochain concert pointe le bout de son nez !