« Le premier jour, sous la tente, j’avais peur des serpents et des scorpions. J’avais peur aussi des fantômes. J’ai comme l’impression que quelqu’un gratte ma tente. Parce que c’était la première fois de dormir dans la tente. S’il vous plaît, aidez-nous à avoir là où dormir bien. »
La rue est belle de diversité. Et les portraits de Jim Lasouille en sont une belle preuve. Oui, mais voilà : la rue est un lieu de passage. La rue est belle… quand on n’y vit pas. À Lyon, des jeunes qui ne sont pas reconnus comme mineurs sont laissés à la rue. À Croix-Rousse, dans le jardin Général Ferrié à deux pas du métro Hénon, le Collège Sans Frontières Maurice Scève et des associations ont mis en place un camp pour les accueillir et les accompagner.
L’hébergement des mineurs isolés : comme s’il y avait un (polit-)hic !
Au cas où vous ne le saviez pas, débarquer en France est une vraie galère. « Mais ils ont cas travailler au lieu de profiter de notre système ! » diraient certains. Sauf que les démarches administratives sont longues pour parvenir à travailler en toute régularité. Et pareil pour aller à l’école. Ou pour avoir un toit.
Dans le quartier de la Croix-Rousse, tout ça commencé il y a des mois déjà : des nouveaux arrivants – ouais, on dit ça pour parler des migrants, parce qu’en fait, un touriste est aussi un migrant et ce mot ne veut rien dire… bref. Ces personnes ont été expulsées du collège Maurice Scève, dans lequel elles logeaient.
C’était en octobre 2020, et la Métropole s’était alors engagée pour les accompagner : 52 jeunes avaient rejoint La Station, un centre d’hébergement d’urgence ouvert suite à l’évacuation du squat. Les majeurs avaient été, quant à eux, logés en centre d’hébergement pour demandeurs d’asile ou en hôtel.
Sauf que le 3 mai dernier, la mise à l’abri des mineurs non accompagnés et non reconnus a pris fin. Certains jeunes n’ont donc eu d’autre option que de retourner vivre dehors, sans abri ni assistance, en attendant avec impatience que leur recours soit examiné par le Juge des Enfants. Une période qui dure généralement 3 mois avant que l’audience n’ait lieu. Et une période pendant laquelle aucune prise en charge n’est mise en place…
Sympa, non ?

Camp on a que l’amour : une implication forte dans le quartier
Mais c’était sans compter la motivation et l’implication des bénévoles actifs auprès du Collège Maurice Scève et d’autres associations comme l’Amie, qui accompagne les mineurs isolés étrangers pour que leurs droits soient reconnus, ou le Secours Populaire.
Après avoir alerté les institutions sans retour de leur part, tandis que l’hébergement citoyen atteignait ses limites, ils se sont lancés dans la mise en place d’un campement dans le jardin Général Ferrié : des tentes et des matelas ont été installés pour accueillir les jeunes et les protéger. Mais ce n’est pas tout.
- Des repas sont distribués par des assos comme Ma Maraude, mais aussi par des citoyens qui se motivent pour faire des grandes portions et participer à l’effort collectif.
- Des douches sont proposées par des voisins du quartier ou des assos comme Vroom Shower.
- Et pas mal de gens sont là pour donner un coup de main. Que ce soit pour partager un moment avec les jeunes (faire un foot, ça marche aussi !), porter les vivres, ou dormir sur place.
« Ce n’est pas la solution idéale, mais on fait du mieux qu’on peut. » confie Manon, impliquée dans le camp. « On essaie d’être là et d’y dormir car nous savons ce qu’il faut dire, qui appeler en urgence si nécessaire, et puis tout simplement pour la sécurité. »
De leur côté, les gardiens de la paix assurent leur rôle, passant demander si tout va bien, sans intervenir tant que la Métropole les a informés de la situation.
Là n’est pas la solution. L’objectif : qu’une vraie proposition de relogement soit faite à ces jeunes qui attendent une réponse à leur recours.
Des jeunes migrants qui veulent devenir grands
« Je suis là depuis deux semaines. J’étais en Italie, et c’est ici que le train m’a emmené. Ça va, les gens nous aident. » confie Oumar.
Avec lui, le camp réunit beaucoup de jeunes de l’Afrique de l’Ouest et subsaharienne. Des jeunes venus de Guinée, de Gambie, du Ghana, d’Algérie, d’Afghanistan… Ils bénéficient du soutien de nombreux bénévoles et de passants du quartier, venus partager un moment ou quelques outils du quotidien avec eux.
« Depuis qu’on est ici vous êtes gentils, on a pas eu de problèmes et on est toujours ensemble. Ici on est des amis, mais on est pas très joyeux parce qu’on veut partir à l’école et on veut pas rester dans la rue comme ça. »
Les attentes des assos et personnes impliquées pour ces jeunes sont pourtant simples, parfaitement alignées avec notre belle devise :
- que la Métropole et la Préfecture coopèrent pour développer le plan « zéro remise à la rue » ;
- que les institutions cessent de se renvoyer la responsabilité de leur prise en charge ;
- qu’elles trouvent une solution pour assumer le devoir de protection de tous les mineurs du territoire.
Finalement, quid de l’avenir de ces jeunes ? Il dépend malheureusement de décisions politiques, tous étant en attente d’un statut. Leur principal désir pour la suite ? Aller à l’école.
Alors, j’ai l’impression de brasser du vent en écrivant ces quelques mots. Mais merci à tous ceux qui donnent un peu de leur personne pour nous donner foi en l’humanité !