Je termine juste mon bleu, là. Il fait chaud, il faut que je finisse. Avec ce temps ça sèche vite, c’est pas mal. Enfin, il faut pas que ça sèche trop vite non plus !
Florina est en pleine action, perchée sur son escabeau, quand je débarque dans son atelier du Fort Superposition. À partir de ce jeudi 30 juillet et jusqu’au 29 août prochain se déroulera son solo show « Beyond the cards ». Je l’ai rencontrée pour en savoir un peu plus sur la personne, l’artiste et l’expo. Elle a joué cartes sur table !

Beyond the cards : la puissance des cartes et la force des femmes
Cela fait maintenant plusieurs années que Florina se plaît à peindre des femmes à travers des portraits colorés. Des portraits touchants et des œuvres empreintes d’émotions, de faiblesse et de force, pour dire à toutes : « regardez votre incroyable potentiel ! ». Aujourd’hui, pour sa nouvelle exposition « Beyond the cards », c’est à travers des cartes qu’elle s’exprime.
« Beyond the cards », mais pourquoi ?
Tout a commencé par une rencontre fortuite : celle de Florina avec les cartes de tarot de sa mère.
« J’ai tout de suite été fascinée ! Il y a tant de sens, tant de symboles… je me suis demandé : mais qu’est-ce que je peux faire avec ça ? J’ai acheté 5 bouquins, j’ai regardé ce qui avait été fait… et finalement, je me suis concentrée sur les arcanes majeures. Il y en a tellement ! J’ai constaté que les symboles du tarot de Marseille étaient désuets et qu’ils ne parlaient pas au grand public. J’ai eu envie de les rendre accessible, de les simplifier, et ça a donné ma ligne directrice. »

La puissance des cartes (et des femmes) revisitée
Finalement, l’artiste s’est attachée à revisiter les cartes du tarot en gardant sa patte habituelle et en mettant en valeur le potentiel des femmes. Comme ses portraits qui ont toujours évoqué des histoires et des émotions, les cartes et toutes leurs significations permettent de répondre à pas mal de questions.
Et le rendu n’est pas lié au hasard : Florina a multiplié les recherches pour comprendre les symboles et donner un maximum de poids à chacune de ses cartes. Une tâche loin d’être simple, d’autant plus quand on connaît la complexité du tarot. Il en va de même pour la recherche des couleurs, qui a elle aussi été essentielle.
« Dans le tarot, chaque couleur a une signification ! Dès la deuxième réalisation, j’ai donc choisi de partir sur un même univers chromatique pour toutes les cartes : le bleu sombre donnera la tonalité, à la frontière entre l’introspection et l’universalité du cosmos, qui rappelle la dualité de la femme. »

Les femmes et l’attention qu’elles méritent ?
Si les œuvres de Florina mettent en avant la femme, les hommes n’ont pas échappé à ces coups de pinceaux : son « Kahlo man », comme elle aime à l’appeler, trône fièrement dans son atelier. Mais si les femmes sont si présentes, ce n’est pas sans raison. Elles sont touchantes, à la fois si fortes et si faibles, toutes riches d’histoires… et on le ressent bien en voyant ses réalisations !
« Les femmes, c’est un sujet qui me tient à cœur. Et lorsque j’ai peint mon Kahlo man, par exemple, c’était une façon d’aborder l’homosexualité. Je travaille aussi sur un livre autour du sujet de l’orientation sexuelle, avec une rédactrice. Au fil de mes rencontres, je me suis intéressé à tout ça, sans forcément être la première concernée. J’ai eu l’occasion d’avoir des témoignages au fil de mes rencontres, et c’est toujours assez touchant. Il faut en parler pour que ça bouge. »
L’œuvre qui sort du lot : l’étoile
Quand on lui demande si une œuvre sera à voir absolument, elle répond avec un grand sourire. On sent qu’elle y a mis tout son cœur :
« Franchement, il y en aura pour tous les goûts. Mais ma préférée, c’est l’étoile. L’union avec la matière, une représentation de la galaxie. C’est l’étoile qui fait l’union avec le tout. »
Vous voulez une bonne raison de venir voir les cartes de Florina ? Elle a bossé comme une tarée ! Son expo était prévue depuis décembre dernier, et le confinement n’a pas été de tout repos (faites des gosses !). Et plus sérieusement, on pourrait rester plongés des heures devant l’une de ces cartes. Comme c’était déjà le cas de ces œuvres précédentes, d’ailleurs… Alors, pour sauver (bon, ok, on exagère un peu) une artiste et, surtout, en prendre plein la vue, ça se passe au Fort à partir de jeudi !
Qui est Florina Aledo-Perez ?

Elle se présente comme étant artiste peintre et fresquiste depuis 2018. Mais c’est à l’âge de 15 ans que Florina Aledo-Perez est tombée dans la marmite. À 16 ans, elle organisait déjà de premières expos avant de laisser ça de côté pour les études et finalement, quelques années plus tard, revenir à ses premiers amours.
Quand on lui demande quel a été le déclic, s’il y en a eu un, elle répond en souriant par une question : « tu veux que je te parle duquel, du premier ou du deuxième ? »
Le premier, ça a été le stage de 3e, effectué dans une boutique de matériel artistique. Ce stage que beaucoup ont connu, de quelques jours, le temps pour elle d’avoir l’occasion de participer à un stage de dessin. D’abord en tant qu’observatrice, jusqu’à ce que la prof’ l’invite à prendre le pinceau.
« Tout de suite, je me suis dit… mais c’est génial ! J’ai testé l’aquarelle, l’acrylique, le dessin… Et c’est là que je me suis lancé dans des études d’illustration. »
Quelques années plus tard, la peinture était tombée à l’eau et restait un hobby accompagnant son travail dans la comm’… jusqu’au deuxième déclic : un vernissage proposé à une amie qui souhaitait faire connaître une société de formation pour femmes entrepreneuses. Un événement qui a tout de suite marché, si bien qu’il n’était plus question pour elle de laisser la peinture de côté : « Je me suis éclatée de A à Z ! Il fallait que je me lance. »
L’occasion de renouer avec la peinture, mais aussi de trouver sa ligne directrice. Une ligne riche de sens qui sublime les femmes – c’est le moins que l’on puisse dire !
De Frida Kahlo aux femmes dans toute leur splendeur
« En faisant des recherches, j’ai décidé de dessiner Frida Kahlo, car ma copine était franco-mexicaine, et ses valeurs correspondaient à celles de la formation. Je me suis dit : comment montrer cette force et cette puissance de la femme, juste avec des traits, sans la voir pleurer ou blessée ? »
Depuis, les portraits de femmes, tous plus beaux les uns que les autres, se sont multipliés. Si Frida n’est plus vraiment là, les fleurs sont restées.
« C’est un symbole fort, qui m’aide à exprimer la diversité des femmes, leur force et leur faiblesse. Si elles sont souvent brunes, c’est simplement graphique, pour avoir un contraste avec le fond. Si les visages sont neutres, c’est aussi pour éviter toute différenciation. »
C’est ainsi toutes les femmes que l’on retrouve dans ces œuvres : des femmes faibles, fortes, tristes, heureuses, derrière lesquelles on distingue toujours une histoire imprégnée d’émotions. Le réalisme et les traits détaillés, la finesse des yeux et de la bouche, particulièrement signifiants, y sont pour beaucoup.

La découverte du street art
Loin d’être issue du street art, c’est la rencontre avec Superposition qui lui a donné l’opportunité de faire le mur. Dans la rue, elle n’aime pas imposer ses œuvres aux regards des passants. Chez elle, elle a toujours tenu à récupérer sa caution ! C’est donc au Fort, entourée de plein d’artistes, qu’elle a pu tester les fresques murales.
Si les galeries traditionnelles sont un peu trop froides (et malheureusement élitistes) pour qu’on ait envie d’y entrer, Florina a tendance à rendre son art accessible dans différents lieux émergents et associatifs, à Lyon et ailleurs.