
Non, les photos ne sont pas que des images figées. Derrière chaque cliché, il y a une histoire, un instant, un échange. Et parfois, un message. C’est en tout cas la vision de Marie-Laure, photographe depuis 18 ans. Pour elle, la photographie n’est qu’un prétexte. Armée de son appareil, elle part en quête de rencontres à créer, d’émotions à partager, de sujets à faire passer. On a pris le temps de parler de ses projets et de son regard sur la photographie sociale. Bilan ? Il n’y a rien de négatif !
👁 Aller là où la curiosité n’humaine
« La curiosité, c’est quelque chose de riche, mais qui fait que l’on peut vite s’éparpiller, partager beaucoup de choses, aimer beaucoup de choses, partir dans tous les sens. C’est ce que j’aime dans l’art photographique : je pousse une porte, j’y vais dans un but… et le but est atteint, mais je repars avec d’autres choses dans ma besace. Ça ouvre beaucoup de portes. »
À l’heure où l’on écrit ces mots, ça fait 8 ans que Marie-Laure s’est lancée dans la photo de manière professionnelle, après s’être formée en autodidacte. L’un des déclics ? Avoir l’opportunité de faire des photos pour le groupe de musique Brigitte, qui lui a accordé sa confiance. Même si elle n’en était pas à son premier coup d’essai, avec différents projets dans le monde associatif lyonnais, c’est en partie ce qui lui a mis le pied à l’étrier.
Ce qui la porte, c’est avant tout sa curiosité. C’est ce qui l’a amenée à se lancer dans de nombreux projets, divers et variés : des photos d’architecture, d’événements familiaux, de projets industriels, des portraits, des paysages… Des projets qu’elle mène sur son temps libre, en parallèle de son travail quotidien.
Mais en réalité… la photo, c’est un prétexte. Derrière chacun de ses clichés, il y a avant tout des rencontres, du partage, de l’humain. Si elle a travaillé pendant des années dans les ressources humaines, ce n’est pas pour rien.
« Ce qui m’anime dans la vie, c’est l’humain. J’adore les gens, le lien entre les personnes, les relations humaines. On n’est rien sans l’humain, c’est ce qui nous enrichit. […] Donc au niveau de la photo, c’est ce que j’aime aussi : le partage entre deux personnes. »
Son but, au-delà de faire de belles photos, c’est aussi celui-là : créer un instant de magie, une connexion qui permet de créer une image sublime, d’immortaliser un moment de partage. Et même si elle se retrouve aussi à faire des photos sans modèle, il y a toujours quelque chose à raconter : « Je fais des photos de personnes, mais surtout de situations et de contextes. Une photo, c’est une histoire que l’on peut s’approprier comme on veut. »
📸 La photographie sociale : des images en guise de témoignages
« La photographie sociale, c’est assumer ses choix. Pour transmettre un message, ou juste susciter une réflexion. C’est simplement faire réfléchir peut-être autrement, se questionner, ouvrir les yeux sur certaines choses. »
Petit à petit, et même si elle continue à mener tout type de projets, c’est vers la photographie sociale que Marie-Laure s’est orientée. Une manière de s’exprimer, de donner à voir et de sublimer des choses que l’on peut avoir tendance à oublier ou à vouloir cacher.
Et ça peut même toucher à l’immobilier : à Caluire, Marie-Laure a photographié la déconstruction d’habitations bon marché (des HBM, ancêtres des HLM). Sans prétention, elle a posté les photos accompagnées de mots, d’histoires fictives pour raconter la vie des habitants ayant quitté les lieux. Un projet remarqué par le centre social de la ville, qui a donné lieu à une exposition et un livre. L’occasion d’aller plus loin dans ses recherches, et de partir à la rencontre d’anciens habitants pour récolter leurs témoignages et accompagner ses images.
« D’un petit grain de sable, c’est devenu un projet fou. Les gens se sont retrouvés pour un projet participatif et ils étaient heureux. […] Aujourd’hui, on nous demande de donner un nom de résidence aux nouvelles habitations, pour immortaliser ce qu’il s’est passé. […] Ce qu’il en reste, du patrimoine architectural, c’est du patrimoine humain. Par ces murs, on a fait parler des gens, qui sont encore debout contrairement à ces bâtiments qui sont rasés. »
Passionnée par la vie sociale, la mixité des gens et leur quotidien, Marie-Laure a initié un autre projet, destiné à mettre en avant des commerçants et les 14 lieux emblématiques visitables à Caluire. Des photos, associées à des mots, qui ont été accueillis à la Mairie pour une belle expo – qui devrait désormais voyager ailleurs…
Cela fait aussi plusieurs années qu’elle participe au projet Vénus de Spacejunk, une action artistique de sensibilisation pour lutter contre le cancer du sein. Un projet annuel qui mixe graphisme, photographie et dessin, au service de la santé. Plus concrètement ? Des photographes font des photos en studio pendant toute une journée, puis les tirent en noir et blanc sur des toiles. Ces dernières sont transmises à des artistes, amateurs ou professionnels (comme Momo 👋), et à des centres sociaux qui les customisent. Un vernissage est ensuite organisé, avec une vente aux enchères dont les bénéfices sont reversés à des associations. Une belle initiative pour mettre l’art au service de la santé !
À travers la photo, Marie-Laure a aussi trouvé un moyen de s’engager pour des causes qui lui tiennent à cœur. Ce qu’elle peut faire avec le projet Vénus, mais aussi dans d’autres contextes, par exemple en faisant des portraits de personnes atteintes de trisomie : « Personne ne veut voir le handicap, la maladie. Parce que ça fait peur. Faire des photos que l’on arrive à sublimer, ça peut faire ouvrir les yeux. C’est quelque chose que tout le monde met de côté, que l’on veut rendre invisible. Et la photographie sociale, c’est ça : rendre visible l’invisible. »
« La photographie, ou l’art en général, permet d’exprimer des mots, des idées. Et à mon avis, c’est la puissance de l’art. Il permet de véhiculer des émotions, mais peut-être aussi un message pour celui qui veut le saisir. Ou en tout cas, il peut faire vibrer quelque chose. On ressent quelque chose. Et parfois, il y a des petites choses qui, subtilement, font leur chemin. »
🪞La photographie au service de la confiance en soi : il n’y a pas photo !
Quand elle fait des portraits ou des compositions qui impliquent un modèle, Marie-Laure a tendance à demander à la personne d’oser et de se lâcher. L’objectif ? Arriver à l’instant de vérité tant recherché.
« À mon sens, ce qui crée la magie d’une photo, c’est une complicité entre le photographe et le modèle. D’ailleurs, je demande toujours au modèle d’apporter son envie. Il y a un partage de projet. Et à un moment donné, il y a quelque chose qui se passe et la photo est sublime, parce que l’on ne ment pas. Il y a un instant de vérité qui est immuable. »
Considérant la photographie comme une manière de lâcher prise, de se désinhiber, elle propose aussi de l’accompagnement en bien-être via la photographie. « Pour essayer de tendre à enlever tout ce qui est timidité, de mieux s’apprécier, de tendre vers l’expression de soi. »
Une démarche d’accompagnement par l’image, destinée notamment à des femmes atteintes d’un cancer, mais aussi à d’autres personnes ayant des difficultés avec la confiance en soi. L’appareil photo, qui peut être si intimidant, se transforme alors en outil pour aider des personnes à se voir, à se connaître et à s’affirmer.
Et même s’il peut y avoir beaucoup de travail, en amont et en aval – sans compter la crainte de décevoir des personnes ayant du mal à se voir dans le miroir –, le jeu en vaut clairement la chandelle.
« Si les personnes arrivent au fil du temps à se désinhiber, c’est gagné. Et après, inconsciemment, il y a des choses qui se passent par la suite. Les personnes ressortent avec le sourire, et c’est déjà bien. C’est un petit point de gagné. […] La photo, c’est la finalité. Ce qui est important, c’est le chemin, l’accompagnement que l’on fait en elle, en soi, en nous, pour pouvoir s’apprécier au fil du temps. »
Depuis deux ans, Marie-Laure fait aussi partie du collectif Shabe!, un groupe de photographes lyonnais qui éditent une revue pour promouvoir des photographes, amateurs et professionnels, de Lyon et de sa région.
Vous l’aurez compris : curieuse comme elle l’est, elle n’a pas fini de créer et de partir en quête de nouveaux projets. Elle continuera à se servir de la puissance des images pour rencontrer des humains dans leur quotidien, raconter des histoires, animer des ateliers, aider certaines personnes à s’accepter, et exprimer ce que l’on peut avoir tendance à préférer dissimuler. En bref ? Elle continuera à s’émerveiller et à nous le partager !
« Je pense qu’un photographe peut être un enfant, et s’émerveiller de tout. […] Vivez l’instant présent, et profitez. La vie est belle, et c’est pour ça que la photographie est importante : chaque moment que l’on immortalise est une partie de notre biographie. »