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Mélissa Lavanda – S’engager dans la danse et retrouver son essence

Mélissa Lavanda, danseuse

La danse est un moyen d’expression, une manière de se réunir, de partager, mais aussi de revendiquer et de clamer ses idées. Mélissa, aka Lavanda, est danseuse professionnelle, enseignante et organisatrice d’événements. La danse – en particulier le waacking – et les personnes qu’elle lui a fait rencontrer l’ont aidé à cheminer, à se trouver, à s’affirmer et à fleurir. Aujourd’hui, elle vit de sa passion et multiplie les projets en veillant à véhiculer des valeurs qui lui tiennent à cœur. On a pris le temps de parler de son parcours et de ses convictions. Ça fait du bien de voir que des humains œuvrent, à leur échelle, pour emmener le monde dans une meilleure direction !

💃🏽 Quand la curiosité guide tes premiers pas 

Mélissa a grandi dans le Sud, à Narbonne. C’est là-bas qu’elle découvre la danse, en faisant ses premiers pas dans le hip-hop au sein de l’association CDB, gérée par Maeva Sita. Une première étape importante, qui marque le début de son parcours… et l’aide à tomber amoureuse de cette culture. « Très vite, j’ai fait plein de recherches. J’avais grave soif d’apprendre, envie d’en savoir plus. Donc j’ai commencé à voyager, à Toulouse, à Montpellier, à Paris pour une formation… »

À l’époque déjà, elle multiplie les stages, passe son temps à danser, découvre le dancehall et continue d’apprendre. À 18 ans, elle débarque à Lyon pour faire Sciences Po… mais la danse est toujours aussi présente. Elle découvre la house, et c’est un nouveau coup de cœur : « Je suis grave tombée love de la house et de la culture clubbing. C’est là que j’ai découvert le milieu de la musique électronique aussi. »

Alors elle continue à se former, à s’entraîner partout où elle peut, alternant entre la fac et la danse, développant ses mouvements autant que sa conscience politique. Pour son M2, elle part à Paris, passe une année au Brésil, revient et s’oriente dans l’économie sociale… jusqu’à avoir un déclic.

« Je n’étais pas très bien dans ma vie. J’ai fait une petite dépression, j’ai vécu une expérience avec un collectif féministe avec pas mal d’artistes qui vivaient de leur art, et ça m’a vraiment fait un électrochoc. Je me suis dit t’es diplômée, tu n’as plus rien à perdre, donc c’est le moment ou jamais pour tenter une carrière dans la danse comme j’avais toujours rêvé. Donc j’ai sauté le pas. »

Elle décide alors de faire l’Académie internationale de la danse, une école pluridisciplinaire qui mêle danse académique et hip-hop, L’école des sables au Sénégal, mais aussi la formation ID à Lyon – qui a été un vrai tremplin. L’occasion d’étudier la danse et ses racines, mais aussi de se mettre un bon pied à l’étrier pour se professionnaliser. 

« C’était important pour moi d’aller là-bas. Ça faisait longtemps que je m’intéressais à la culture hip-hop, aux danses afro-descendantes. Ça faisait partie de ma recherche personnelle, et ça m’a appris beaucoup. C’était très riche et quand je suis revenue, j’étais décidée : je voulais me professionnaliser. »

👤 La danse et le waacking pour se réaliser

Aujourd’hui, sa danse, c’est avant tout le waacking. Même si elle l’avait découvert quand elle était encore dans le Sud – en faisant des stages avec Antoinette Gomis ou Ariane Brown –, ce n’est que quelques années plus tard qu’elle a eu la révélation, réalisant l’importance de cette danse pour elle. Une danse, mais avant tout une forme d’expression, née d’un groupe d’hommes gays, racisés, dans les clubs de Los Angeles des années 70. Une manière de s’exprimer, de se réapproprier leur identité, d’exprimer qui ils étaient et de répondre à un contexte oppressif.

« J’ai vraiment su que c’était ma danse à une période de ma vie où j’affirmais de plus en plus mon identité. Mon identité dans la danse, mais aussi en tant que personne, et en tant que personne queer. »

De retour à Lyon après ses années parisiennes, elle voit sa passion grandir auprès de son ami Paul de Saint-Paul – devenu son partenaire de danse, son frère, son âme sœur. Toujours aussi curieuse, elle prend des cours, suit des formations et passe beaucoup de temps à s’entraîner. « Mon terrain de training préféré, c’était vraiment le club. Je suis une clubbeuse. C’est là où je me suis épanouie, où j’ai échangé avec des gens et réussi à trouver mon identité dans la danse. Après, mon intérêt pour le waacking n’a fait que grandir, grandir, grandir. »

Elle rejoint alors le Lyon Waacking Project, créé par Paul de Saint-Paul en 2019 : un collectif de personnes passionnées et ouvertes, à un moment où elle en a particulièrement besoin. Elle se met même à aimer les battles, qui la terrifiaient jusqu’à présent. La raison ? Une énergie positive, bienveillante, qui circule dans les événements organisés par le collectif, réputé pour ça. Des événements qui font la part belle aux identités et aux personnes telles qu’elles sont, sans jugement.

« Si j’ai autant embrassé cette danse, c’est parce que c’est arrivé au bon moment dans ma vie. Ça m’a permis d’exprimer ce que je n’avais jamais pu exprimer. Le waacking, c’est vraiment le moment où je m’affirmais en tant que personne, en tant que femme et en tant que femme queer. Ça a été une révélation, ça m’a vraiment révélée à moi-même. […] J’ai connu une grosse partie de mon épanouissement personnel grâce au battle, et en particulier la communauté waacking, parce que tu peux être toi-même à 100 %. […] Ce sont des événements où tu célèbres les identités individuelles. Tu es ici pour applaudir et pousser les gens à se révéler, à s’exprimer. C’est une danse où tu ne peux pas mentir. »

Alors qu’elle ne se sentait pas toujours à l’aise dans certains environnements issus de la culture hip-hop, Mélissa a pas à pas arrêté de se mentir et continué à se découvrir, s’imprégnant de l’essence même de cette danse : s’exprimer et s’affirmer dans sa personnalité. « Ça m’a donné une sensation que tout était possible, et que je ne serai jamais jugée pour ça. Qu’à l’inverse, je serai célébrée pour ça. On est vraiment dans cette énergie. »

« Je ne me sentais pas 100 % moi-même et à l’aise dans les milieux de danse urbaine, parce que je ne voyais pas beaucoup de personnes queer, et il y a une période de ma vie où j’avais vraiment besoin de ça : des gens avec des expressions de genre différentes, des identités différentes, qui ne jugent pas, qui accueillent tout le monde. […] Même si beaucoup de gens le prônent, dans la réalité, c’est différent. Et ça me tient à cœur de ne faire aucune discrimination. Aussi en tant que femme, qui a été initiée à cette culture par un prédateur sexuel, ça ne te prépare pas bien à tout ce qu’il peut se passer et au regard masculin. Il y a une part de ma vie où je ne me sentais pas en sécurité. Le regard masculin sur les femmes qui dansent me dérange. J’ai toujours été très sensible à ça, et très critique. Les hommes ont beaucoup de chemin à faire au niveau de leur prise de conscience. »

💜 Des valeurs à transmettre… et des événements qui le permettent

« On a beaucoup appris et on apprend toujours. On grandit ensemble, on fait des spectacles, des shows, on développe plein de choses ensemble, on s’entraîne ensemble, on danse ensemble, on clubbe ensemble, on milite ensemble… C’est plus qu’un groupe de danse, ce sont vraiment des amis, et c’est une communauté qu’on a créée. »

Aujourd’hui, Mélissa est danseuse pro, mais aussi militante. Parce que son cheminement lui a forgé une conscience politique, et l’envie de s’engager pour des sujets qui lui tiennent à cœur. C’est aussi cet engagement qui l’a menée, avec d’autres membres du Lyon Waacking Project, à la création de What a Whack (WAW!), un collectif de soirée qui s’inspire de l’énergie du waacking, de valeurs émancipatrices et d’inclusion, pour organiser des événements ouverts à tous. L’occasion pour Lavanda de se mettre à mixer, depuis le temps qu’elle y pensait.

Au-delà d’organiser des événements, de créer des ponts entre les styles de danse et les associations, le WAW! n’est pas là que pour les belles paroles. Un protocole contre la discrimination a notamment été mis en place avec Juliette, aka Gorgeous, qui a suivi une formation certifiée d’accompagnatrice de lutte contre les violences sexuelles. Avec la Compagnie Karthala (dont fait partie Camille), elles déploient ce protocole avec des valeurs et un socle d’outils communs, appelé La Zone, pour que chacun se sente bienvenu.

« C’est un peu utopiste, mais on y croit. On veut que tout le monde puisse se lâcher et prendre du plaisir en soirée. C’est une manière de mettre notre pierre à l’édifice, pour amener des soirées vraiment axées sur le partage et l’expression de soi. Que ce soit des milieux plus libres, que la danse et la musique soient vraiment au cœur de la fête. On est vraiment dans cette lignée de pensée où en gros, si tu ne trouves pas quelque chose qui te correspond, tu le crées. Et c’est ce qu’on fait. »

Dans différents lieux, avec une palette de styles et des DJ variés, le WAW! crée des espaces et des moments inclusifs et réellement bienveillants. Une belle façon de faire avancer les choses, à son échelle.

« Mon militantisme, il est dans toute ma vie : dans ma danse, dans ma manière de voir la vie, dans mes relations, avec mes proches… Ça fait partie de moi. Je ne suis pas dans un idéal, que tout le monde s’entende bien tout le temps, mais je pense qu’aujourd’hui, avec les clés, l’ouverture qu’on a, les connaissances qu’on a à portée de main… Pour moi, c’est de notre responsabilité à toutes et tous de faire ce travail-là. Et c’est aussi ce qu’on fait avec les collectifs avec lesquels je suis. »

Lavanda continue à danser, à transmettre et à se battre. La confiance en elle qu’elle a aujourd’hui quand elle danse, elle ne l’a pas toujours eu. Mais elle a voyagé, s’est construite, s’est entourée pour avoir l’environnement qui lui a permis de fleurir comme elle le voulait. La suite ? De nouveaux shows avec le Lyon Waacking Project (comme ils ont pu le faire pour Les Nuits Sonores et Les Nuits de Fourvière), des stages, des battles, des cours, de la danse et de l’amour. Si vous cherchez à danser sans être jugé, à rejoindre un collectif engagé… N’hésitez pas à aller voir tout ça de plus près !

« La confiance en soi, pour moi, c’est lié à ton état de santé mentale. On n’est pas des super-héros, il y a des phases où on est moins bien et où on vit des choses dans nos vies persos. Au fil des années, j’ai réussi à construire une base, même si elle peut être ébranlée par périodes, et c’est beaucoup mon entourage. Avoir des gens qui croient en eux et qui croient en toi, c’est tellement important. C’est aussi ça, pour moi, s’affirmer : choisir les environnements qui te correspondent et te permettent de fleurir. »

Envie de voir le travail de Lavanda de plus près ?

👉 Lavanda
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👉 What a Whack!