
Parfois, raconter son histoire et la partager n’est pas une option. C’est une question de survie, ou presque. Dans un style aux multiples facettes – entre rock, bossa nova, soul et pop –, Olga La Rouge partage la sienne en musique. Son dernier album, Obsolète (spoiler : il ne l’est pas), est sorti début 2025. Un album ni noir, ni blanc, ni rose, ni rouge : un projet nuancé, qui donne la part belle à l’humain et à sa complexité. Une histoire, pleine d’émotions, qu’une meuf volcanique, exigeante et persévérante avait besoin de raconter.
Du Sud à Lyon, pour ne pas perdre le Nord 🧭
« Je me présenterais comme une être humaine qui ne pensais pas écrire des chansons un jour. Qui s’est retrouvée à écrire son histoire, tranquillement, sans aucune peur de confier quelque peine que ce soit. »
C’est dans le Sud, sa terre natale, qu’Olga a commencé son chemin. Et c’est quand elle était encore minot, à 13 ans, que la musique est arrivée dans sa vie avec la guitare de son frère. Pas à pas, elle apprend et s’amuse à faire des reprises, en autodidacte. Quelques années plus tard, elle fait une rencontre qui changera la donne : celle de Jérôme, un auteur et musicien qui lui met le pied à l’étrier et lui donne envie d’écrire son histoire en musique.
Et après ? Les choses se sont enchaînées assez naturellement. Pour Jérôme, la musique, c’était du sérieux. Alors ça l’est vite devenu pour Olga aussi. « J’ai grandi musicalement dans ce truc-là, où si tu sors un truc, il faut que ce soit bien fait, il faut que ça ait l’air pro. C’était inattendu, mais ça a été très fluide, même si je suis passé par plein de phases. Et petit à petit, j’ai commencé à y croire. »
Vous vous dites peut-être que tout est rose pour Olga la rouge. Mais c’est tout l’inverse. Si Jérôme l’invite à raconter son histoire, c’est aussi parce qu’à ce moment-là, sa vie est un sacré bordel. L’écriture et la musique sont presque une nécessité.
« C’était le gros chaos, ouais. Ça m’a grave aidé à cheminer. C’est bateau, mais c’est vrai, quand les gens disent que c’est une thérapie, la musique, je pense que c’est vrai. Pour ceux qui la composent et qui l’écrivent, ouais, je pense qu’il y a une réalité derrière ça. »
Alors sous l’impact de Jérôme, elle se met un coup de pied au derche et se met à avancer. La musique l’aide à se libérer, à y voir plus clair, et à rompre avec un environnement familial complexe, dans lequel elle ne pouvait plus se construire sainement. Si bien qu’elle décide de quitter le Sud pour s’installer à Lyon et repartir de zéro. Parce que tu ne peux pas tout réparer, surtout ce que les autres ont cassé. Il faut parfois savoir se choisir… et c’est ce qu’a fait Olga.
« C’était la rupture, en fait. Tu sais, parfois, tu dois partir et ne pas te retourner. Forcément, tu vas laisser des gens derrière toi. Ça, c’est très dur à accepter. Mais à un moment donné, il faut que tu avances. Donc j’ai avancé. On va dire que la musique m’a aidé à tourner la page sur un chapitre de ma vie, qui était irréparable. »
Une histoire à écrire en musique 🎵
« Quand j’ai une idée, je vais au bout. C’est ça ma vie. Tu me suis, tu ne me suis pas… mais moi, j’y vais. Souvent, c’est avec les gens quand même. C’est grâce aux gens qui m’entourent que ça existe, c’est certain. »
En 2019, Olga débarque à Lyon. Enfermée dans un entre-sol, un appartement de gardien d’immeuble, elle profite de la solitude pour noircir des pages, raconter son histoire et essayer de comprendre. Elle rejoint l’ENM de Villeurbanne, où elle fait plein de belles rencontres – dont celle de Fleur sous bitume. De quoi commencer à s’entourer, se faire un nouveau réseau, et repartir sur de nouvelles bases. Enfin.
En 2020, elle sort son premier projet, un CD écoulé en 500 exemplaires en auto-édition.
La machine est lancée. Quelques années plus tard, elle a réussi à monter une équipe en béton, et à s’entourer de gens qui croient, avec elle, en son projet. Le nombre d’auditeurs a progressé et, petit à petit, les efforts finissent par payer. Les heures passées à créer et coller les affiches, à chercher des salles de concerts, à se déchirer sur scène, le tout avec un job alimentaire à côté… Pas question, pour autant, de nourrir des attentes de dingue. « Faire de la musique et essayer de toucher les gens, c’est déjà une belle victoire ! »
Et c’est ce qu’Olga a continué à faire, de 2019 à 2025 : se mettre à poil, écrire son histoire, la mettre en musique, en espérant toucher d’autres personnes. Pas toujours facile, quand tu es hypersensible et que les émotions peuvent déborder. « Pour les chansons les plus persos, ce n’est pas toujours évident. Tu es dans ta chambre, et il te faut déjà des dizaines de fois pour chanter une chanson sans pleurer. Sur scène, ça me rattrape. Mais j’arrive à le dompter, sans déroger à l’émotion. »
Bien sûr, il y a toujours des moments plus délicats, notamment quand les doutes reviennent. Elle s’est demandé mille fois si elle suivait le bon chemin, si elle avait raison de mettre toutes ses économies dans la musique et de continuer sur cette voie. Mais les gens qui l’entourent la motivent et créent la symbiose qu’il lui faut. Quand elle doute, quand elle ne trouve pas les mots, Jérôme (oui, encore lui) est là pour l’aider à s’exprimer et à raconter sa vérité, à faire en sorte qu’elle soit touchante et partagée.
« Les vrais moments difficiles que je vis, c’est toujours seule. Surtout dans les moments de remise en question. Je pense que c’est ça, les moments les plus durs dans la conception de l’album. Ces moments où tu te poses 15 milliards de questions, et où tu n’as pas de réponse. »
Malgré l’absence de réponse, Olga a continué à écrire, à travailler et à démêler les fils de son histoire. Résultat ? Un nouvel album, sorti le 14 février 2025 : Obsolète.

Des nuances face à l’obsolescence 💥
« Ça ne m’a jamais fait peur de dire la vérité. Je pense que ça a fait peur à des gens, c’est certain. Mais à un moment donné, c’est mon histoire. »
Depuis la sortie du projet, Olga relâche un peu la pression. Même si elle continue à charbonner pour trouver des salles de concert, le projet est sorti, et il vit. Il vit plutôt bien, même. La production est propre, les retombées sont positives, les gens sont touchés. Sur 1000 exemplaires auto-édités, 300 CD se sont vendus en deux semaines, sans compter une centaine de vinyles.
L’histoire d’Obsolète, c’est celle d’Olga. Une histoire qu’elle avait besoin de coucher sur papier, pour marquer la rupture et briser le schéma toxique des secrets familiaux, comme elle le fait dans Rose.
« On a grandi dans une violence innommable. Donc il fallait que je le pose, ce texte. Pour regarder les choses en face. Ta vie, c’est ça. Aujourd’hui, ce n’est plus ça, et demain ce sera meilleur, mais regarde les choses en face et accepte. Ça libère un peu de tout ça. Ça enlève un fardeau. »
Je pars (que Jérôme a écrit en partant d’une seule phrase) et Mille fois (sa chanson cathédrale, qui lui fait penser à ce qu’une maman peut être pour un enfant) font partie des titres auxquels Olga est particulièrement attachée.
Malgré les émotions, les textes soignés et les compositions léchées, la création a été assez fluide. Quand il le faut, Jérôme est toujours là pour l’aider à tenir et à ne pas lâcher. Parce que c’est bien ça, le plus dur : aller au bout de son idée. Mais Olga est consciente que le chemin peut être long. Et pas question, pour avancer, de se rallier à une cause ou de se cacher derrière un drapeau. Ce qu’elle cherche aujourd’hui, c’est avant tout la paix, la clarté, la transparence dans les échanges.
« L’un des problèmes chez les humains, c’est le fait de se travestir constamment. Quand ils rencontrent une personne, les gens veulent passer pour une personne parfaite. Mais on n’est pas parfaits, et on ne sera jamais parfaits ! Les gens ont une histoire, il faut l’accepter. Si tu mets tout sur la table directement, pourquoi ça se passerait mal ? Les gens perdent du temps. »
Au-delà de la musique, Olga a lancé des tables rondes pour inviter les gens et les jeunes à se questionner, à débattre, à se connaître. Simplement parce qu’échanger, discuter et prendre le temps de réfléchir semble nécessaire pour avancer dans un monde qui manque cruellement de nuance. « J’essaie d’apporter un peu de nuance, à mon échelle. J’ai juste envie de rassembler les gens, et pas de les diviser. Surtout avec la musique ! »
Entre douceur et rage, calme et hargne, Olga n’a pas dit son dernier mot. La suite ? Continuer à propager ses sons et faire un maximum de scènes, en France, en Suisse, en Belgique… Partout où ce sera possible, en fait. Et en profiter pour faire mentir tous ceux qui ont pu considérer sa musique obsolète, simplement parce qu’elle ne rentre pas dans une case. Parce qu’on peut peut-être programmer l’obsolescence, mais pas l’effervescence.
« La dualité n’est pas là pour rien. Si je propose un projet si éclectique, c’est que je ne peux pas faire ma recette sans. Si j’enlève un truc, ce n’est pas moi. C’est 10% de moi. »
💬 Si tu avais un message à faire passer aux gens, ce serait quoi ?
« Sortez de l’anesthésie féroce de vos cœurs. Apprenez à communiquer, à être clair et, surtout, surtout, croyez toujours en vos rêves. »